Aller au contenu

Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mée de son esprit, s’éleva vers sa tête, et sous la forme d’eau coula de ses yeux, illuminant les dix déesses qui président aux dix points de l’horizon. Celles-ci recueillirent ce germe, et toutes réunies le conçurent en leur sein : mais elles ne purent l’y garder longtemps. Il tomba promptement, entouré de lumière, éclairant le monde de ses froids[1] rayons, embryon destiné à féconder un jour la nature. Ainsi comme les déesses ne pouvaient porter ce fruit, avec elles il descendait rapidement vers la terre. À cette vue, le père du monde, Brahmâ, retint Soma dans sa chute, et le fît monter sur un char pour le plus grand avantage des mortels. Considéré comme l’essence même des Vèdes[2], animé par un zèle pieux, et riche en vertus, il s’avance sur ce char traîné par mille[3] chevaux blancs : tel est le récit de la tradition. En voyant le noble fils d’Atri, les sept fils de Brahmâ, ces fils issus de sa pensée, se mirent à chanter ses louanges. Les enfants de Bhrigou et d’Angiras, les Ritchas, les Yadjours, les Sâmas, les Atharvas[4] se joignirent à leurs transports. Soma, célébré par eux, brilla de tout son éclat, et les trois mondes éprouvèrent un heureux accroissement. Son char illumine la terre que borne au loin l’Océan. Vingt-une fois[5] il reprend sa glorieuse carrière en tournant par la droite. A mesure qu’il éclaire le monde de ses rayons, les plantes naissent et brillent de l’éclat quelles lui empruntent, ces plantes qui doivent servir à la nourriture des trois mondes, et au soutien des quatre castes. Car Soma est le protecteur des mondes, ô prince : ce dieu acquérant chaque jour plus de force et par les éloges qu’on lui adresse et par ses propres œuvres, se soumit aux rigueurs de la pénitence pendant des milliers de padmas[6] d’années. Il est le trésor où puisent ces

  1. L’imagination des poëtes indiens donne de la fraîcheur aux rayons de la lune, et fait naître le cristal de ces mêmes rayons congelés. Voyez dans Wilson le mot Tchandracânta.
  2. वेदमयः Védamayah.
  3. Ordinairement le char de la lune n’a que dix chevaux.
  4. Ces différents êtres ne sont que les diverses parties des Vèdes personnifiées. Nous avons déjà vu les Ritchas, iiie lect. note 30.
  5. Je ne sais à quoi peut avoir rapport ce nombre 21, ou plutôt trois fois 7, suivant le texte. On compte 30 jours lunaires ou tithis : peut-être déduit-on ceux pendant lesquels la lune est obscure. Voyez dans les Rech. asiat. t. vii, pag. 252, un passage des Vèdes où les bûches du foyer sacré sont au nombre de 21.
  6. Ce mot est un nombre exagéré, équivalent à dix billions. Une note du manuscrit bengali exprime cette idée en disant que c’est comme une montagne d’années. Je n’ai donc pas dû croire qu’il fut ici question de cette ère, nommée Padma calpa, qu’inventa Srî Dhara Padma, il y a huit à neuf cents ans, et que cite Bentley (Rech. Asiat. t. viii, pag. 196).