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Page:Langlois - Rig Véda.djvu/130

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[Lect. I.]
INDE.— POÉSIE LYRIQUE.


3. Quand aujourd’hui tu dispenses le bonheur aux hommes, ô divine Aurore bénie parmi les mortels, les (prêtres) purs de péché s’adressent au Soleil, (et s’écrient) : Voici Damoûnas[1] ! Voici le divin Savitri (qui vient) à nous !

4. L’immortelle visite nos demeures, et du haut des airs recueille nos hommages. Libérale et brillante, elle va sans cesse distribuant les plus riches de ses trésors.

5. Sœur de Bhaga, parente de Varouna, pieuse Aurore, sois louée en premier lieu. Qu’il aille à l’occident exercer sa mauvaise influence, celui qui contient le mal ; et devenons vainqueurs de lui par la vertu du char de l’heureuse (déesse).

6. Que de saintes prières retentissent : voici les feux qui étincellent. Les rayons de l’Aurore nous découvrent d’enviables trésors, couverts par les ténèbres.

7. Par des retours successifs, vont et reviennent le Jour et la Nuit sous des formes différentes. Celle-ci est (comme) une caverne qui enveloppe le monde d’obscurité. L’Aurore brille sur son char resplendissant.

8. Toujours semblables à elles-mêmes, aujourd’hui et demain les (Aurores) embrassent la longue région de Varouna. Exemptes de reproche, (placées) à trente yodjanas[2] (de distance du soleil), elles accomplissent l’une après l’autre leur révolution.

9. L’Aurore sait quel hommage lui est réservé au point du jour, et elle naît, blanchissant de ses rayons la noirceur (de la nuit). (Comme) la femme vient (à son époux), elle arrive constamment chaque jour au lieu du sacrifice près de celui qui l’honore.

10. Telle qu’une vierge aux formes légères, ô déesse, tu accours vers le dieu du sacrifice[3]. Jeune et riante, tu devances (le soleil), et dévoiles ton sein brillant.

11. Pareille à la jeune fille que sa mère vient de purifier, tu révèles à l’œil l’éclatante beauté de ton corps. Aurore fortunée, brille par excellence ! aucune des Aurores passées ne fut plus belle que toi.

12. Riches en chevaux, en vaches, en biens de toute espèce, s’unissant par les œuvres aux rayons du soleil, les Aurores s’en vont pour revenir, heureuses et toujours adorables.

13. Daigne agréer le rayon de (notre) sacrifice, et accomplis en nous ton œuvre fortunée. Aurore, sois propice à notre invocation ; brille aujourd’hui pour nous ! Puissions-nous être heureux et opulents !


HYMNE III.

À l’Aurore, par Cakchivan.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. L’Aurore naît en même temps qu’Agni s’allume. Le soleil se lève ; l’Aurore a préparé le large (berceau) de l’astre lumineux. Voici le divin Savitri (qui vient) à nous, et répand les biens nécessaires à tous les êtres animés.

2. Consolidant les œuvres divines, déterminant les âges humains, l’aînée des (Aurores) futures brille, semblable aux (Aurores) passées, aux (Aurores) éternelles.

3. Cette fille du Ciel apparaît, vêtue de rayons lumineux, semblable (à l’astre) qu’elle précède. Elle suit le chemin du sacrifice, comme si elle le connaissait déjà, sans s’égarer dans les régions célestes.

4. Son sein brille comme des feux éclatants. Semblable à Nodhas[4], elle nous montre des trésors précieux. Pourvoyeuse (vigilante), elle éveille les (hommes) endormis ; ainsi se présente la plus ancienne des (Aurores) futures.

5. Dans la moitié orientale du vaste ciel, cette mère de vaches[5] (lumineuses) élève son étendard. Elle s’étend, elle s’avance, placée entre les deux (grands) parents (de la nature), qu’elle charme également.

6. Ainsi grandissant à la vue, elle ne fait acception de personne ; sa forme élégante et légère brille également pour le petit comme pour le grand.

7. Telle que l’homme qui n’a pas de frère, elle semble monter sur son char pour semer ses bienfaits sur sa route. L’Aurore, richement vêtue,

  1. Damoûnas est un nom d’Agni ; ce mot signifie domptant tout, ou qui aime la demeure du sacrifice. Le commentateur l’explique par Danamanâs, qui aime à donner. Savitri et Bhaga, que nous trouvons plus loin, sont des noms du soleil.
  2. L’yodjana est une mesure trop incertaine pour que nous puissions tirer de ce passage quelque parti. L’aurore précède le soleil de trente yodjanas : quand elle est au premier méridien, à Lancà, le soleil en est éloigné de cette distance.
  3. C’est-à-dire Agni. Cependant le mot Déva pourrait s’entendre du chef lui-même, ou du prêtre qui assiste au sacrifice.
  4. Poëte dont il est question section 1, lecture V, hymne I, vers 13.
  5. Ce sont les rayons ou les nuages qui couvrent l’orient au point du jour.