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[Lect. II.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

11. L’ivresse que ces (libations) donnent à un (dieu) opulent, adorable, puissant[1], est légère comme l’épervier, pleine comme la ceinture, parfaite comme le sacrifice. Les sages s’invitent mutuellement à venir : ils savent que ce breuvage est une source de biens.

12. Que le (dieu) adorable et sage (surnommé) Sadâprina[2], les mains chargées de gazon sacré, détruise ses ennemis et soit vainqueur avec vous. Il s’approche des deux espèces d’offrandes ; il resplendit, honorant la troupe divine de ses louanges harmonieuses.

13. Soutambhara[3], chef des hommes religieux, en faveur d’un mortel qui faisait un sacrifice, s’est (un jour) approché du (foyer), où est la mamelle de toutes les prières. Il a amené les vaches (saintes)[4] ; il a répandu le lait de la libation, et (le sage), éveillé (pour l’œuvre pieuse), a rappelé ces paroles :

14. « Les Hymnes désirent celui qui s’éveille. Les Chants vont vers celui qui s’éveille. Le Soma adresse la parole à celui qui s’éveille : C’est moi, c’est un de tes amis qui est en ces lieux. »

15. « Agni s’éveille, les Hymnes le désirent. Agni s’éveille, les Chants vont vers lui. Agni s’éveille, le Soma lui adresse la parole : C’est moi, c’est un de tes amis qui est en ces lieux[5]. »


HYMNE XIII.
Aux Viswadévas, par Sadaprina, fils d’Atri.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. (Le dieu) qui lance la foudre s’est annoncé au ciel ; avec les Hymnes est arrivée l’Aurore, dont les rayons apparaissent. Elle a repoussé les ténèbres. La Lumière est née, et le dieu a ouvert les portes du séjour de Manou.

2. Soûrya a donné une forme à la nature. Mère des vaches (célestes, l’Aurore est) sortie des profondeurs de l’espace pour l’annoncer. Les rivières qui semblaient taries coulent à plein bord. Le ciel s’affermit comme une forte colonne.

3. Devant l’antique créateur des grandes (ondes), célébré par nos hymnes, l’enfant de la Nue[6], la Nue elle-même a tremblé. Le ciel s’éclaircit. Les (Angiras) poursuivent leur œuvre de dévotion respectueuse.

4. Pour vous, ils viennent, par des hymnes dont les accents charment les dieux, appeler à votre secours Indra et Agni. Les sages, dignes du nom de Marouts[7], témoignent de leur respect par leurs chants et leurs offrandes, et commencent le sacrifice.

5. Ces (dieux) arrivent !… En ce jour prions avec piété. Que la mort tombe au loin sur nos ennemis. Éloignons ceux qui trameraient en secret notre perte, et présentons-nous devant le maître du sacrifice.

6. Approchez, amis, et formons cette Prière, qui est comme une mère (pour les hommes). C’est elle qui a ouvert le pâturage de la vache (céleste), qui a donné à Manou la victoire sur Visipra[8], qui a fait trouver de l’eau au marchand égaré dans la forêt[9].

7. Cependant le mortier a retenti sous la main qui pousse le pilon. En même temps les Navagwas, éprouvés par dix mois (de pénitences)[10], ont commencé les chants. Saramâ[11] vient au sacrifice, et découvre les vaches (célestes). Angiras[12] a mis l’ordre partout.

8. Quand, au lever de la magnifique Aurore, tous les Angiras eurent trouvé les vaches (célestes), le séjour de ces vaches fut établi au foyer suprême du sacrifice ; c’était sur la route du sacrifice que Saramâ les avait trouvées.

9. Que Soûrya vienne donc avec ses sept coursiers ; une large carrière, une longue voie lui est ouverte. Rapide épervier, il accourt vers la nourriture qui lui est préparée. Jeune et sage, il vient briller au milieu des vaches (divines).

  1. Dans ces vers le commentateur découvre aussi les noms de trois Richis. Il traduit : l’ivresse de Viswavâra, Vâdjata, Mâyin.
  2. Je n’ai pu me résoudre à voir dans le mot Sadâprina le nom d’un Richi. Je l’ai regardé comme une épithète d’Agni, qui signifie : toujours disposé à faire plaisir.
  3. Ce Soutambhara est ou le soma personnifié, ou un Richi dont nous avons déjà vu quelques hymnes, et dont le poëte rappellerait ici deux vers.
  4. Ce sont les flammes du sacrifice, aussi bien que les libations.
  5. Il y a sur un des manuscrits un seizième distique, qui ne se trouve ni sur le Pada ni dans le commentaire. Je l’ai regardé comme apocryphe.
  6. C’est-à-dire l’eau.
  7. Le commentateur dit ici que les prêtres ressemblent aux Marouts : pareils aux Marouts, rapides dans leurs œuvres, en résonnant comme eux.
  8. C’est sans doute un nom de Vritra.
  9. Le commentaire fait rapporter ce fait à Cakchîvân. Voy. page 50, col. 1, note 2.
  10. Voy. page 80, col. 1, note 6. Une difficulté se présente ici, c’est que le poëte semblerait confondre les Navagwas et les Dasagwas.
  11. Voy. page 44, col. 1, note 7.
  12. C’est un nom d’Agni.