Page:Langlois - Rig Véda.djvu/41

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rieux… il n’a pu éviter un engagement mortel, et l’ennemi d’Indra, d’une poussière d’eau, a grossi les rivières.

Privé de pieds, privé de bras, il combattait encore, Indra de sa foudre le frappa à la tête, et Vritra… tombe déchiré en lambeaux…

La mère de Vritra s’abaisse ; Indra lui porte par-dessous un coup mortel ; la mère tombe sur le fils. Dânou est étendue comme une vache avec son veau.

Le corps de Vritra, ballotté au milieu des airs agités et tumultueux, n’est plus qu’une chose sans nom que submergent les eaux. Cependant l’ennemi d’Indra est enseveli dans le sommeil éternel…

Indra, roi du monde mobile et immobile, des animaux apprivoisés et sauvages, armé de la foudre, est aussi roi des hommes. Comme le cercle d’une roue en embrasse les rayons, de même Indra embrasse toutes choses.

(hiranyastoupa, i, 57.)


« Le résultat de la bataille est que la vie est rendue aux animaux et aux plantes ; c’est l’œuvre d’Indra, prince dispensateur des richesses, trésor inépuisable de l’abondance. »

Dans le Rig, comme on le voit, Indra a presque l’importance suprême. N’était Agni qui balance son empire, il serait le premier des dieux. Il possède une légende complète : dès sa naissance, il est fort ; dès qu’il combat, il est invincible. Une fois pourtant il a hésité, il a tremblé, c’est sans doute à la première bataille des éléments, à l’heure du chaos primitif : les nuages s’amoncelaient avec tant d’intensité, les ténèbres étaient si épaisses, l’horreur était si profonde qu’Indra allait fléchir, lorsque Twachtri lui apporta la foudre. Or Twachtri, c’est Agni, c’est le feu qui est partout, dans l’atmosphère par la foudre, dans le soleil par les rayons, dans la terre par la sève, dans la créature par la chaleur du sang. Mais, sur l’autel où il s’allume, l’homme semble communiquer plus directement avec lui ; il le crée par sa volonté, il le dégage du bois qui le contient, il l’alimente avec le beurre, il le voit naître, grandir, dominer, porter dans les airs la flamme, et la prière dans les cieux. Aussi voyez comme il l’aime, comme il l’invoque, comme il le loue ; c’est l’intermédiaire tout-puissant, c’est le recours éternel, c’est le bienfaiteur immuable ! Immense comme le monde, il se fait petit pour consumer l’holocauste ; brûlant comme le soleil, il se fait tiède pour entrer dans le cœur de l’homme ; sa langue dévore tout ce qu’elle touche, mais réchauffe tout ce qu’elle épargne. Il est le principe vivifiant par excellence, infini comme l’univers et subdivisé comme l’étincelle, c’est à la fois le plus fort et le plus utile des éléments, le plus à la portée de l’homme, le plus directement applicable ; aussi persistons-nous à croire qu’il fut la première manifestation de Dieu pour les Aryas, et l’attribut céleste le plus incontestable.

Tel est le précis de ce que nous pouvons déduire des Védas sur les origines et le culte des Aryas-Indiens. Occupons-nous maintenant de leur imagination féconde et lumineuse, c’est-à-dire de leur véritable gloire.

Le Rig-Véda n’est pas seulement un monument historique des plus importants, il est un véritable chef d’œuvre littéraire. Quelle verve et quelle fécondité dans ces esprits inspirés, qui, sans antécédents étrangers, sans autre modèle que la nature, ont rencontré dans leurs âmes ardentes les élans les plus sublimes, les mouvements les plus heureux, les nuances les plus élégantes, les formes les plus poétiques.