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[Lect. IV.]
INDE. - POÉSIE LYRIQUE.

est aussi (solide) que le poteau d’une porte. Indra peut donner des chevaux, des vaches, des chars, des trésors. Il est au milieu de nous pour combler nos vœux.

15. Adoration au (dieu) qui donne la pluie[1], qui brille de sa propre splendeur ! (Au dieu) puissant qui jouit d’une force véritable, salut ! Indra, dans ce sacrifice couvre de ta protection et maîtres et sujets !


HYMNE VI.

À Indra, par Savya[2], fils d’Angiras.

(Mètres : Djagatî et Trichtoubh.)

1. Adore avec ardeur le bélier (divin), le maître du bonheur, dont cent fidèles chantent ensemble la gloire. Par mes hymnes j’implore le secours d’Indra, et je l’invite à venir comme un coursier rapide, à diriger son char vers nos sacrifices.

2. Aussi ferme qu’une montagne au milieu des torrents, armé de mille vertus, on a vu Indra, quand il frappait ce (Vritra) qui enchaîne les rivières, (on l’a vu) doubler ses forces, faire bondir les ondes, et recevoir avec joie nos offrandes.

3. C’est lui qui, s’emparant de la mamelle (du nuage), l’ouvre et la ferme à son gré ; source de joie pour les (mortels) raisonnables, il se plaît à nos libations. Je l’invoque d’une âme toute pieuse, cet Indra qui répand ses dons avec largesse et qui nous comble des trésors de l’abondance.

4. Indra aime les offrandes disposées sur le cousa, et qui montent vers lui dans le ciel, comme l’Océan aime les (rivières) ses vassales qui descendent vers lui. Dans sa lutte contre Vritra, à la suite d’Indra se placent ses auxiliaires (les Marouts), qui épuisent les eaux, et, toujours fermes, savent à leur gré changer de direction.

5. De même que les eaux se portent vers les pentes (de la montagne), de même ces Marouts, enivrés de nos libations, se précipitent vers Vritra qui veut retenir la pluie, et secondent les efforts d’Indra, quand ce dieu, armé de la foudre et fortifié par nos offrandes, frappe les soldats de Bala[3], comme Trita frappa les gardes (Asouras)[4].

6. Autour de toi, Indra, brille la lumière et triomphe la force. Vritra, retenant les ondes, s’était assis au haut des airs, quand sur cette pente (céleste), où il semblait difficile de saisir cette masse énorme, tu es venu lui briser sa large mâchoire.

7. Les prières, qui exaltent ta grandeur, vont vers toi, comme les ondes vers le lac (qui les reçoit) ; ô Indra, Twachtri[5] a doublé ta force en te fabriquant un trait invincible.

8. Indra, toi qu’honorent nos sacrifices et que traînent de brillants coursiers, tu as frappé Vritra pour ouvrir, en faveur de l’homme, une voie à la pluie. Tes mains ont saisi ton arme de fer, et dans les airs, tu as fait briller le soleil à nos yeux.

9. Cependant (les mortels) effrayés invitaient Indra à monter dans le ciel par un de ces hymnes brillants et forts, aux larges et harmonieuses mesures ; et les Marouts, amis de l’homme et auxiliaires du dieu, protecteurs de la terre, le flattaient heureusement (de leurs voix).

10. Le firmament lui-même se resserra de frayeur à la voix d’Ahi, au moment où l’on te vit, ô Indra, enivré de nos libations, frapper violemment de ta foudre la tête de ce Vritra qui menaçait de ruine le ciel et la terre.

11. Maghavan, la terre serait-elle dix fois plus large, les hommes qui la cultivent augmenteraient-ils en nombre chaque jour, ta force n’en serait pas moins célèbre ; telle que le ciel, ta puissance s’étendrait pour nous couvrir.

12. Habitant aux frontières de l’Éther resplendissant, de ta nature fort et superbe, pour notre bien tu as fait la terre à l’image de ta grandeur. Tu parcours le ciel heureusement, environné des eaux.

13. Tu es le modèle de la terre (étendue comme toi) et le maître du (ciel) immense et peuplé de dieux magnanimes. Tu remplis de ta grandeur tout l’espace de l’air. Ah ! sans doute il n’existe aucun être semblable à toi.

14. Non, tu n’as pas de semblable, toi qui, dans l’ivresse de nos libations, as combattu l’ennemi ravisseur de la pluie, toi que le ciel et la terre ne peuvent contenir, dont les vagues de l’air ne peu-

  1. Le mot vrichabha signifie aussi taureau.
  2. Ce Savya, fils d’Angiras, est, dit-on, Indra lui-même. Angiras forma, dans un sacrifice, le vœu d’avoir un fils semblable à Indra. Il lui naquit Savya. Voy. pag. 59, col. 2, note 3.
  3. Nom d’un Asoura.
  4. Une légende raconte que, dans un sacrifice qui va être célébré en l’honneur des dieux, naît d’abord (c’est-à-dire est apporté) Agni, le feu du sacrifice, et, en second lieu, le mortier dans lequel on écrase les graines ; en troisième lieu, naît une autre personne : c’est Soma ou la libation, qui prend le nom de Trita. Trita est dans la coupe du sacrifice : les Asouras arrivent, et placent des gardes pour empêcher la consommation du sacrifice. Trita donne la mort à ces gardes.
  5. Voy. page 48, col. 1, note 5