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LE NOM DANS LE BRONZE

cet attendrissement contenu, où elle sent vibrer l’amour, et ce mutisme obstiné ?

Le temps passe et le bateau surgit soudain de l’obscurité. Il sort du Richelieu. Sur son passage, les remorqueurs amarrés s’inclinent ; poussés par la houle, ils craquent et se heurtent au quai. L’éclairage de grand hôtel, la gaîté des innombrables bougies aux abat-jour multicolores rappellent la féerie d’une fête nocturne. L’orchestre joue des airs de danse. Marguerite et Steven distinguent des couples appuyés au bastingage :

— Les privilégiés ! murmure le jeune homme.

Marguerite croit bien qu’eux-mêmes, plus tard, s’en iront ainsi toujours ensemble ; elle lui dit, cachant ses réflexions secrètes :

— Qui sait ? Ils ignorent peut-être leur bonheur…

— Et pour vous, leur bonheur, est-ce de voyager, ou d’être deux ?

— L’un et l’autre.

— Et l’un sans l’autre, est-ce encore du bonheur ?

— Mais sûrement. Quelquefois voyager, c’est déjà un tel plaisir…