Aller au contenu

Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment irritée. Personne cependant ne les frappe. Le général est gardé à vue dans une petite chambre du rez-de-chaussée : on met les officiers au premier étage où ils trouvent plusieurs de leurs camarades également prisonniers. Là, les scènes du Château-Rouge recommencent. Les soldats exaspérés crient toujours : « À mort ! » Les officiers de la garde nationale s’exténuent à les arrêter, barrent la porte, disent : « Attendez le Comité ! »

Lequel ? Le Comité Central est à l’autre bout de Paris ; le comité de la rue des Rosiers est dispersé partout, les uns au comité de vigilance de la chaussée Clignancourt, les autres à la mairie où le commandant Dardelles, Raoul Rigault, Paschal Grousset, discutent avec le maire Clemenceau, très mécontent de tout ce qui se passe. Mais le mot de Comité est magique ; on parvient à poser des sentinelles et à suspendre un peu les colères.

Vers quatre heures et demie, une rumeur emplit la rue et, lancé par une trombe, un homme à barbe blanche est jeté contre la maison. C’est Clément Thomas, l’homme de Juin 48, l’insulteur des bataillons populaires, qui a plus fait que Ducrot pour déshonorer la garde nationale. Reconnu, arrêté rue des Martyrs où il inspectait la barricade, il a monté la butte dans une huée de sang. Ironique hasard des révolutions qui laisse fuir le requin et livre aux vengeances la grenouille.

Son arrivée décide tout. Il n’y a qu’un cri : « À mort ! » Des officiers de la garde nationale veulent lutter, un capitaine garibaldien, un hercule, Herpin-Lacroix, se cramponne aux parois du couloir. On le meurtrit, on force l’entrée ; Clément Thomas est précipité vers le jardin, derrière la maison ; les balles le suivent, il tombe face à terre. Il n’est pas mort que les soldats du 88e ont brisé les croisées de la chambre du général Lecomte, l’entraînent vers le jardin où les balles le tuent. Aussitôt, les fureurs s’apaisent. Dix officiers encore sont là : personne ne les menace. Ils sont ramenés au Château-Rouge et, la nuit venue, Jaclard les met en liberté.

À la même heure, gare d’Orléans, la foule arrêtait un officier général en grand uniforme. Elle croyait tenir d’Aurelles ; c’était Chanzy. Le malentendu pouvait être