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mortel. Des officiers fédérés, un adjoint du XIVe, Léo Meillet, s’interposent, le protègent, le mettent en sûreté dans la prison du secteur où il trouve le général Langourian, également arrêté. On ne pouvait sans danger relâcher les généraux, mais le député Turquet, qui accompagnait Chanzy, fut mis en liberté.

Peu à peu, les bataillons fédérés prenaient l’offensive. Brunel enveloppait la caserne du Prince-Eugène occupée par le 120e de ligne, tout prêt à fraterniser. Les portes se laissèrent forcer. Le commandant, entouré d’officiers, voulant prendre des airs, Brunel fit coffrer tout ce monde ; de là, il descendit par la rue du Temple vers l’Hôtel-de-Ville. Pindy s’y acheminait par la rue Vieille-du-Temple et Ranvier par les quais.

L’Imprimerie nationale est occupée à cinq heures. À six heures on bat en brèche les portes de la caserne Napoléon. Une décharge sort et renverse trois personnes ; les lignards crient par les fenêtres : « Vive la République ! Ce sont les gendarmes qui ont tiré ! » puis ouvrent les portes et livrent leurs fusils[1].

À sept heures et demie, l’Hôtel-de-Ville est cerné. Les gendarmes qui l’occupent s’enfuient par le souterrain de la caserne Lobau. Vers huit heures et demie, Jules Ferry et Vabre, totalement abandonnés par leurs hommes, laissés sans ordres par le Gouvernement, partent à leur tour. Peu après, la colonne Brunel débouche sur la place et prend possession de la Maison commune déserte et noire. Brunel fait allumer le gaz et hisser le drapeau rouge au beffroi.

Les bataillons ne cessent plus d’affluer. Brunel commença des barricades rue de Rivoli, sur les quais, garnit les abords, distribua les postes et lança de fortes patrouilles. L’une d’elles, cernant la mairie du Louvre où les maires délibéraient, faillit prendre Jules Ferry qui sauta par la fenêtre.

Les maires et beaucoup d’adjoints s’étaient déjà réunis dans la journée à la mairie de la Bourse ; très

  1. Vinoy, menteur comme un bulletin, dit dans l’Armistice et la Commune : « Le général rassembla ses hommes et, l’épée à la main, il se mit bravement à la tête de ses soldats. »