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Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/433

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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

au théâtre. Merlin donna la parole au défenseur de Ferré. Mais Ferré déclare qu’il veut se défendre lui-même, et il commence à lire une déclaration :

« Après la conclusion du traité de paix, conséquence de la honteuse capitulation de Paris, la République était en danger, les hommes qui avaient succédé à l’Empire écroulé dans la boue et le sang…

Merlin. — Écroulé dans la boue et le sang… Ici je vous arrête. Est-ce que votre gouvernement n’était pas dans la même situation ?

Ferré. — … se cramponnaient au pouvoir et, quoique accablés par le mépris public, ils préparaient dans l’ombre un coup d’État ; ils persistaient à refuser à Paris l’élection de son conseil municipal…

Gaveau. — Ce n’est pas vrai !

Merlin. — Ce que vous dites-là, Ferré, est faux. Continuez, mais à la troisième fois je vous arrêterai.

Ferré. — … Les journaux honnêtes et sincères étaient supprimés, les meilleurs patriotes étaient condamnés à mort…

Gaveau. — L’accusé ne peut continuer cette lecture. Je vais demander l’application de la loi.

Ferré. — … Les royalistes se préparaient au partage des restes de la France ; enfin, dans la nuit du 18 mars, ils se crurent prêts et tentèrent le désarmement de la garde nationale et l’arrestation en masse des républicains…

Merlin. — Allons, asseyez-vous, je donne la parole à votre défenseur.

L’avocat nommé d’office demande que Ferré puisse lire les dernières phrases de sa déclaration. Merlin cède.

Ferré. — … Membre de la Commune, je suis entre les mains de ses vainqueurs. Ils veulent ma tête, qu’ils la prennent ! Jamais je ne sauverai ma vie par la lâcheté. Libre j’ai vécu, j’entends mourir de même.

Je n’ajoute plus qu’un mot : La fortune est capricieuse ; je confie à l’avenir le soin de ma mémoire et de ma vengeance. »

Merlin. — La mémoire d’un assassin !