Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/123

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Je pourrais cependant assurer, sur le rapport de Silvius, que l’air même le plus grossier passe de la trachée-artère dans le cœur, puisqu’il assure lui-même qu’il l’y a vu passer par l’adresse de M. Swammerdam. Car il est plus raisonnable de croire un homme qui dit avoir vu, qu’un million d’autres qui parlent en l’air. Il est donc certain que les parties les plus subtiles de l’air que nous respirons entrent dans notre cœur ; qu’elles y entretiennent avec le sang et le chyle la chaleur qui donne la vie et les mouvements à notre corps, et que, selon leurs différentes qualités, elles apportent de grands changements dans la fermentation du sang et dans les esprits animaux.

On reconnaît tous les jours la vérité de ceci par les diverses humeurs, et les différens caractères d’esprit des personnes de différents pays. Les Gascons, par exemple, ont l’imagination bien plus vive que les Normands. Ceux de Rouen et de Dieppe et les Picards diffèrent tous entre eux, et encore bien plus des Bas-Normands, quoiqu’ils soient assez proches les uns des autres. Mais si on considère les hommes qui vivent dans des pays plus éloignés, on y rencontrera des différences encore bien plus étranges, comme entre un Italien et un Flamand ou un Hollandais. Enfin il y a des lieux renommés de tout temps par la sagesse de leurs habitants, comme Theman et Athènes[1] ; et d’autres pour leur stupidité. comme Thèbes, Abdère et quelques autres.

Athenis tenue cœlum, ex quo acutiores etiam putantur Attici ; crassum Thebis. (Cic., De fato.)
Abderitanœ pectora plebis habes. (Mart.)
Bœotum in crasso jurares aere natum. (Hor.)


CHAPITRE IV.
I. Du changement des esprits causé par les nerfs qui vont au cœur et aux poumons. — II. De celui qui est causé par les nerls qui vont au foie, à la rate, et dans les viscères. — III. Que tout cela se fait contre notre volonté, mais que cela ne se peut faire sans une providence.


La troisième cause des changements qui arrivent aux esprits animaux est la plus ordinaire et la plus agissante de toutes ; parce que c’est elle qui produit, qui entretient et qui fortifie toutes les passions. Pour la bien comprendre, il faut savoir que la cinquième. la sixième et la huitième paire des nerfs envoient la plupart de leurs rameaux dans la poitrine et dans le ventre, où ils ont des usages bien utiles pour la conservation du corps, mais extrême-

  1. Numquid non ultra est sapientia in Theman. Jerem.. c. 19, V. 7.