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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/195

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sentiments indignes de vous, ô Seigneur ! qui nous avez tous créés. Mais il se fait tort s’il se persuade que ces choses touchent la religion, et s’il est assez hardi pour assurer avec opiniâtreté ce qu’il ne sait point. Le même saint explique encore plus clairement sa pensée sur ce sujet, dans le premier livre de l’explication littérale de la Genèse, en ces termes : Un chrétien doit bien prendre garde à ne point parler de ces choses comme si elles étaient de la sainte Écriture ; car un infidèle qui lui entendrait dire des extravagances qui n’auraient aucune apparence de vérité, ne pourrait pas s’empêcher d’en rire. Ainsi le chrétien n’en recevrait que de la confusion, et l’infidèle en serait mal édifié. Toutefois, ce qu’il y a de plus fâcheux dans ces rencontres n’est pas que l’on voie qu’un homme s’est trompé, mais c’est que les infidèles que nous tâchons de convertir s’imaginent faussement, et pour leur perte inévitable, que nos auteurs ont des sentiments aussi extravagants ; de sorte qu’ils les condamnent et les méprisent comme des ignorants. Il est donc, ce me semble, bien plus à propos de ne point assurer comme des dogmes de la foi des opinions communément reçues des philosophes, lesquelles ne sont point contraires à notre foi, quoiqu’on puisse se servir quelquefois de l’autorité des philosophes pour les faire recevoir. Il ne faut point aussi rejeter ces opinions comme étant contraires à notre foi, pour ne point donner de sujet aux sages de ce monde de mépriser les vérités saintes de la religion chrétienne. »

La plupart des hommes sont si négligents et si déraisonnables qu’ils ne font point de discernement entre la parole de Dieu et celle des hommes lorsqu’elles sont jointes ensemble ; de sorte qu’ils tombent dans l’erreur en les approuvant toutes deux, ou dans l’impiété en les méprisant indifféremment. Il est encore bien facile de voir la cause de ces dernières erreurs et qu’elles dépendent de la liaison des idées expliquées dans le chapitre V ; et il n’est pas nécessaire de s’arrêter à l’expliquer davantage.

IV. Il semble à propos de dire ici quelque chose des chimistes, et généralement de tous ceux qui emploient leur temps à faire des expériences. Ce sont des gens qui cherchent la vérité : on suit ordinairement leurs opinions sans les examiner. Ainsi leurs erreurs sont d’autant plus dangereuses qu’ils les communiquent aux autres avec plus de facilité.

Il vaut mieux sans doute étudier la nature que les livres ; les expériences visibles et sensibles prouvent certainement beaucoup plus que les raisonnements des hommes, et on ne peut trouver à redire que ceux qui sont engagés par leur condition à l’étude de la physique tâchent de s’y rendre habiles par des expériences conti-