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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/299

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avec les anthropomorphites, qu’il doive avoir la figure humaine, il cause qu’elle parait la plus parfaite, quand même nous le supposerions corporel ; il ne faut pas aussi penser que l’esprit de Dieu ait des pensées humaines, et que son esprit soit semblable au nôtre, à cause que nous ne connaissons rien de plus parfait que notre esprit. Il faut plutôt croire que, comme il renferme dans lui-même les perfections de la matière sans être matériel, puisqu’il est certain que la matière a rapport à quelque perfection qui est en Dieu ; il comprend aussi les perfections des esprits crées sans être esprit de la manière que nous concevons les esprits ; que son nom véritable est celui qui est, c’est-à-dire l’être sans restriction, tout être, l’être ínfini et universel.


CHAPITRE X.


Exemples de quelques erreurs de physique dans lesquelles on tombe, parce qu’on suppose que des êtres qui différent dans leur nature, leurs qualités, leur étendue, leur durée et leur proportion, sont semblables en toutes ces choses.


Nous avons vu dans le chapitre précédent que les hommes font un jugement précipité quand ils jugent que tous les êtres ne sont que de deux sortes, esprits ou corps. Nous montrerons dans ceux qui suivent qu’ils ne font pas seulement des jugements précipités, mais qu’ils en font de très-faux et qui sont les principes d’un nombre infini d’erreurs, lorsqu’ils jugent que les êtres ne sont pas différents dans leurs rapports ni dans leurs manières, à cause qu’ils n’ont point l’idée de ces différences.

ll est constant que l’esprit de l’homme ne cherche que les rapports des choses, premièrement ceux que les objets qu’il considère peuvent avoir avec lui, et ensuite ceux qu’ils ont les uns avec les autres ; car l’esprit de l’homme ne cherche que son bien et la vérité. Pour trouver son bien, il considère avec soin par la raison et par le goût ou le sentiment si les objets ont un rapport de convenance avec lui. Pour trouver la vérité, il considère si les objets ont rapport d’ógalite ou de ressemblance les uns avec les autres, ou quelle est précisément la grandeur qui est égale à leur inégalité. Car de même que le bien n’est le bien de l’esprit que parce qu’il lui est convenable, ainsi la vérité n’est vérité que par le rapport d’égalité ou de ressemblance qui se trouve entre deux ou plusieurs choses : soit entre deux ou plusieurs objets, comme entre une aune et de la toile, car il est vrai que cette toile a une aune, parce qu’il y a égalité entre l’aune et la toile ; soit entre deux ou plusieurs idées, comme entre les deux idées de trois et trois et celle de six ; car il est