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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/384

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donc parler comme il a fait, quand lui-même et ses soldats auraient cru ce que croient présentement les plus habiles astronomes. Cependant ces paroles de ce grand’capitaine : Arrête-toi, soleil, auprès de Gabaon, et ce qui est dit ensuite, que le soleil s’arrêta selon son commandement, persuadent bien des gens que l’opinion du mouvement de la terre est une opinion non-seulement dangereuse, mais même absolument hérétique et insoutenable. Ils ont ouï dire que quelques personnes de piété, pour lesquelles il est juste d’avoir beaucoup de respect et de déférence, condamnaient ce sentiment : ils savent confusément quelque chose de ce qui est arrivé pour ce sujet à un savant astronome de notre siècle, et cela leur semble suffisant pour croire opiniâtrement que la foi s’étend jusqu’à cette opinion. Un certain sentiment confus, excité et entretenu par un mouvement de crainte, duquel même ils ne s’aperçoivent presque pas, les fait entrer en défiance contre ceux qui suivent la raison dans ces choses, qui sont du ressort de la raison. Ils les regardent comme des hérétiques ; ce n’est qu’avec inquiétude et quelque peine d’esprit qu’ils les écoutent, et leurs appréhensions secrètes l’ont naître dans leurs esprits les mêmes respects et les mêmes soumissions pour ces opinions et pour beaucoup d’autres de pure philosophie que pour les vérités qui sont I’objet de la foi.


CHAPITRE XIII.
I. De la troisième inclination naturelle, qui est l’amitié que nous avoirs ! pour les autre : hommes. - II. Elle porte à approuver les pensées de nos amis et à les tromper par de fausses louanges.


De toutes nos inclinations prises en général et au sens que je l’ai expliqué dans le premier chapitre, il ne reste plus que celle que nous avons pour ceux avec qui nous vivons et pour tous les objets qui nous environnent, de laquelle je ne dirai presque rien, parce que cela regarde plutôt la morale et la politique que notre sujet. Comme cette inclination est toujours jointe avec les passions, il serait peut-être plus à propos de n’en parler que dans le livre suivant ; mais l’ordre n’est pas en cela de si grande conséquence.

I. Pour bien comprendre la cause et les effets de cette inclination naturelle, il faut savoir que Dieu aime tous ses ouvrages, et qu’il les unit étroitement les uns avec les autres pour leur mutuelle conservation ; car, aimant sans cesse les ouvrages qu’il produit, puisque c’est son amour qui les produit, il imprime aussi sans cesse dans notre cœur un amour pour ses ouvrages, puisqu’il produit