Aller au contenu

Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

queront, car les divisions de A B et de A C marquent le temps. De même, si l’on veut savoir le point où ce corps sera arrivé en un tel temps, les parallèles tirées des divisions des lignes A B et A C, qui représentent ce temps, marqueront par leur intersection ce point que l’on cherche. Pour l’éloignement du lieu d’où il a commencé à se mouvoir, il sera toujours facile de le connaître en tirant une ligne de ce point vers A, car la longueur de cette ligne se connaîtra par rapport à A B ou à A C qui sont connues. Mais pour la longueur du chemin que ce corps aura fait pour arriver à ce point, il sera difficile de la connaître, à cause que la ligne de son mouvement A E étant courbe, on ne peut la rapporter à aucune de ces lignes droites.

Que si l’on voulait déterminer les points infinis par lesquels ce corps doit passer, c’est-à-dire décrire exactement, et par un mouvement continu, la ligne A E ; il serait nécessaire de se faire un compas dont le mouvement des jambes fût réglé, selon les conditions exprimées dans les suppositions que l’on vient de faire. Ce qui est souvent très-difficile à inventer, impossible à exécuter, et assez inutile pour découvrir les rapports que les choses ont entre elles, puisque l’on n’a pas d’ordinaire besoin de tous les points dont cette ligne est composée, mais seulement de quelques-uns qui servent à conduire l’imagination lorsqu’elle considère de tels mouvements.

Ces exemples suffisent pour faire connaître que l’on peut exprimer par lignes, et représenter ainsi à l’imagination la plupart de nos idées ; et que la géométrie, qui apprend à faire toutes les comparaisons nécessaires pour connaître les rapports des lignes, est d’un usage beaucoup plus étendu qu’on ne le pense ordinairement. Car enfin l’astronomie, la musique, les mécaniques et généralement toutes les sciences qui traitent des choses capables de recevoir du plus ou du moins, et par conséquent que l’on peut regarder comme étendues, c’est-à-dire, toutes les sciences exactes, se peuvent rapporter à la géométrie, parce que toutes les vérités spéculatives ne consistant que dans les rapports des choses et dans les rapports qui se trouvent entre leurs rapports, elles se peuvent toutes rapporter à des lignes. On en peut tirer géométriquement plusieurs conséquences ; et ces conséquences étant rendues sensibles par les lignes qui les représentent, il n’est presque pas possible de se tromper, et l’on peut pousser les sciences fort loin avec beaucoup de facilité.

La raison, par exemple, pour laquelle on reconnaît très-distinctement et l’on marque précisément dans la musique une octave, une quinte, une quarte, c’est que l’on exprime les sons avec des