Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/511

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Lorsqu’il y aurait plusieurs nombres à ajouter ou à soustraire, ou, ce qui est la même chose, lorsque ces nombres sont grands, et qu’on ne les peut ajouter que par parties, on en oublierait toujours quel qu’une. Il n’y a point d’imagination assez étendue pour ajouter ensemble les fractions un peu grandes, comme 1703/4093, 17946103/10431, ou pour soustraire l’une de l’autre

Les multiplications, les divisions et les extractions de racines des nombres entiers sont infiniment plus embarrassantes que les simples additions ou soustractions ; l’esprit seul, sans le secours de l’arithmétique, est trop petit et trop faible pour les faire, et il est inutile que je m’arrête ici à le faire voir.

Cependant l’analyse ou l’algèbre est encore tout autre chose que l’arithmétique ; elle partage beaucoup moins la capacité de l’esprit, elle abrége les idées de la manière la plus simple et la plus facile qui se puisse concevoir. Ce qui se fait en beaucoup de temps par l’arithmétique se fait en un moment par l’algèbre, sans que l’esprit se brouille par le changement de chiffres et par la longueur des opérations. Une opération particulière d’arithmétique ne découvre qu’une vérité ; une semblable opération d’algèbre en découvre une infinité. Enfin il y avait des choses qui se pouvaient savoir, et qu’il était nécessaire de savoir, dont on ne pouvait avoir la connaissance par l’usage de l’aríthmétique seule ; mais je ne crois pas qu’il y ait rien qui soit utile, et que les hommes puissent savoir avec exactitude, dont ils ne puissent avoir la connaissance par l’arithmétique et par l’algèbre. De sorte que ces deux sciences sont le fondement de toutes les autres, et donnent les vrais moyens d’acquérir toutes les sciences exactes, parce qu’on ne peut ménager davantage la capacité de l’esprit que l’on le fait par l’arithmétique, et principalement par l’algèbre.