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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/515

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Toutes ces règles que nous venons de donner ne sont pas nécessaires généralement dans toute sorte de questions ; car lorsque les questions sont très-faciles, la première règle suffit ; l’on n’a besoin que de la première et de la seconde dans quelques autres questions. En un mot, puisqu’il faut faire usage de ces règles jusqu’à ce qu’on ait découvert la vérité que l’on cherche, il est nécessaire d’en pratiquer, d’autant plus que les questions sont plus difficiles.

Ces règles ne sont pas en grand nombre. Elles dépendent toutes les unes des autres. Elles sont naturelles, et on se les peut rendre si familières, qu’il ne sera point nécessaire d’y penser beaucoup dans le temps qu’on s’en voudra servir. En un mot, elles peuvent régler l’attention de l’esprit sans le partager, c’est-à-dire qu’elles ont une partie de ce qu’on souhaite. Mais elles paraissent si peu considérables par elles-mêmes, qu’il est nécessaire, pour les rendre recommandables, que je fasse voir que les philosophes sont tombés dans un très-grand nombre d’erreurs et d’extravagances, à cause qu”ils n’ont pas seulement observé les deux premières, qui sont les plus faciles et les principales, et que c’est aussi par l’usage que M. Descartes en a fait qu’il a découvert toutes ces grandes et fécondes vérités dont on peut s’instruire dans ses ouvrages.


CHAPITRE II.


De la règle générale qui regarde le sujet de nos études. Que les philosophes de l’école ne l’observent point ; ce qui est cause de plusieurs erreur dans la physique.


La première de ces règles, et celles qui regardent le sujet de nos études, nous apprend que nous ne devons raisonner que sur des idées claires. De là on doit tirer cette conséquence que, pour étudier par ordre, il faut commencer par les choses les plus simples et les plus faciles à comprendre, et s’y arrêter même longtemps avant que d’entreprendre la recherche des plus composées et des plus difficiles.

Tout le monde tombera facilement d’accord de la nécessité de cette règle générale, car on voit assez que c’est marcher dans les ténèbres que de raisonner sur des idées obscures et sur des principes incertains. Mais on s’étonnera peut-être si je dis qu’on ne l’observe presque jamais, et que la plupart des sciences qui sont encore à présent le sujet de l’orgueil de quelques faux savants, ne sont appuyées que sur des idées ou trop confuses ou trop générales pour être utiles à la recherche de la vérité.

Aristote, qui mérite avec justice la qualité de prince de ces phi-