Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/573

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selon leur lumière, car leur cœur est encore plus corrompu que leur esprit. Je dis seulement que s’ils n’admettent que des principes évidents, et que s’ils raisonnent conséquemment sur ces principes, ils découvriront les mêmes vérités que nous apprenons dans l’Évangile ; par ce que c’est la même sagesse qui parle immédiatement par elle-même à ceux qui découvrent la vérité dans l’évidence des raisonnements, et qui parle par les saintes écritures à ceux qui en prennent bien le sens.

Il faut donc étudier la morale dans l’Évangile pour s’épargner le travail de la méditation, et pour apprendre avec certitude les lois selon lesquelles nous devons régler nos mœurs. Pour ceux qui ne se contentent point de la certitude, à cause qu’elle ne fait que convaincre l’esprit sans l’éclairer, ils doivent méditer avec soin sur ces lois, et les déduire de leurs principes naturels. afin de connaître par la raison avec évidence ce qu’ils savaient déjà par la foi avec une entière certitude. C’est ainsi qu’ils se convaincront que l’Évangile est le plus solide de tous les livres, que Jésus-Christ connaissait parfaitement la maladie et le désordre de la nature, qu’il y a remédié de la manière la plus utile pour nous, et la plus digne de lui qui se puisse concevoir ; mais que les lumières des philosophes ne sont que d’épaisses ténèbres ; que leurs vertus les plus èclatantes ne sont qu’un orgueil insupportable ; en un mot, qu’Aristote, Sénèque et les autres ne sont que des hommes, pour ne rien dire davantage.


CHAPITRE VII.
De l’usage de la première règle, qui regarde les questions particulières.


Nous nous sommes suffisamment arrêtes à expliquer la règle générale de la méthode, et à faire voir que M. Descartes l’a suivie assez exactement dans son système du monde, et qu’Aristote et ses sectateurs ne l’ont point du tout observée. Il est maintenant à propos de descendre aux règles particulières qui sont nécessaires pour résoudre toutes sortes de questions.

Les questions que l’on peut former sur toute sorte de sujets, sont de plusieurs espèces dont il n’est pas facile de faire le dénombrement ; mais voici les principales : quelquefois on cherche les causes inconnues de quelques effets connus ; quelquefois on cherche les effets inconnus par leurs causes connues. Le feu brûle et dissipe le bois : on en cherche la cause. Le feu consiste dans un très-grand mouvement des parties du bois ; on veut savoir quels effets ce mouvement est capable de produire, s’il peut durcir la boue, fondre le fer, etc.