Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/586

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doit les comparer pour découvrir le rapport approchant que l’on cherche soit de grandeur, soit de qualité. Par exemple, je puis savoir évidemment que V 8 est plus grand que 2, parce que je puis savoir à peu près la véritable grandeur de V 8, mais je ne puis connaître de combien V 8 est plus grand que 2, parce que je ne puis connaître exactement la véritable grandeur de V 8.

Enfin il est évident que, pour résoudre des questions du quatrième genre, et pour découvrir des rapports vagues et indéterminés, il suffit de connaître les choses d’une manière proportionnée au besoin que l’on a de les comparer pour découvrir les rapports que l’on cherche. De sorte qu’il n’est pas toujours nécessaire, pour résoudre toutes sortes de questions, d’avoir des idées très-distinctes de leurs termes, c’est-à-dire de connaître parfaitement les choses que leurs termes signifient. Mais il est nécessaire de les connaître d’autant plus exactement, que les rapports qu’on tâche de découvrir sont plus exacts et en plus grand nombre. Car comme nous venons de voir, il suffit, dans les questions imparfaites, d’avoir des idées imparfaites des choses que l’on considère, afin de résoudre ces questions parfaitement, c’est-à-dire selon ce qu’elles contiennent. Et l’on peut même résoudre fort bien des questions quoique l’on n’ait aucune idée distincte des termes qui les expriment. Car lorsqu’on demande si le feu est capable de fondre du sel, de durcir de la boue, de faire évaporer du plomb et mille autres choses semblables, on entend parfaitement ces questions, et l’on peut fort bien les résoudre quoiqu’on n’ait aucune idée distincte du feu, du sel, de la boue, etc. Parce que ceux qui font ces demandes veulent seulement savoir si l’on a quelque expérience sensible que le feu ait produit ces effets ; c’est pourquoi, selon les connaissances que l’on a tirées de ses sens, on leur répond d’une manière capable de les contenter.


CHAPITRE VIII.
Application des autres règles à des questions particulières.


Il y a des questions de deux sortes, de simples et de composées. La résolution des premières ne dépend que de la seule attention de l’esprit aux idées claires des termes qui les expriment. Les autres ne se peuvent résoudre que par comparaison à une troisième on à plusieurs autres idées ; on ne peut découvrir les rapports inconnus qui sont exprimés par les termes de la question, en comparant immédiatement los idées de ces termes, car elles ne peuvent se joindre ou se comparer. Il faut donc une ou plusieurs idées moyennes afin de faire les comparaisons nécessaires pour découvrír