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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/593

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Cependant comme on doit se défier de ces moyens qui n’entrent dans l’esprit que par les sens et dont on n’a point de connaissance claire et évidente, on ne doit pas si facilement se servir de celui-ci. car enfin il ne suffit pas de rendre raison de la force et de la promptitude de nos mouvements par une comparaison. Cette raison est confuse, mais de plus elle est imparfaite ; car on doit expliquer ici un mouvement volontaire, et la fermentation n’est pas volontaire. Le sang se fermente avec excès dans les fièvres, et l’on ne peut l’en empêcher. Les esprits s’enflamment et s’agitent dans le cerveau, et leur agitation ne diminue pas selon nos désirs. Quand un homme remue le bras en diverses façons, il faudrait, selon cette explication, qu’il se fit un million de fermentations grandes et petites, promptes et lentes, qui commençassent, et, ce qui est encore plus difficile à expliquer selon cette supposition, qui finissent dans le moment qu’il le veut. Il faudrait que ces fermentations ne dissipassent point toute leur matière et que cette matière fut toujours prête à prendre feu. Lorsqu’un homme a fait dix lieues, combien de mille fois faut-il que les muscles qui servent à marcher se soient emplis et vidés ? et çombien faudrait-il d’esprits si la fermentation les dissipait et les amortissait à chaque pas ? Cette raison est donc imparfaite pour expliquer les mouvements de notre corps qui dépendent entièrement de notre volonté.

Il est évident que la question présente consiste dans ce problème des mécaniques : Trouver par des machines pneumatiques le moyen de vaincre telle force, comme de cent pesant, par une autre force si petite que l’on voudra, comme celle du poids d’une once, et que l’application de cette petite force pour produire son effet dépende de la volonté. Or, ce problème est facile à résoudre et la démonstration en est claire.

On peut le résoudre par un vase qui ait deux ouvertures dont l’une soit un peu plus de 1600 fois plus grande que l’autre, et dans lesquelles on insère les canons de deux soufflets égaux, et que l’on applique une force 1600 fois seulement plus grande que l’autre au soufflet de la plus grande ouverture, car alors la force 1600 fois plus petite vaincra la plus grande. Et la démonstration en est claire par les mécaniques, puisque les forces ne sont point justement en proportion avec les ouvertures, et que le rapport de la petite force à la petite ouverture est plus grand que le rapport de la grande force à la grande ouverture.

Mais pour résoudre ce problème par une machine qui représente mieux l’effet des muscles que celle qu’on vient de donner, il faut souffler quelque peu dans un hallon et appuyer ensuite, sur ce