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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/601

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esprits se fermentent d’une manière extraordinaire, ou que l’ordre et l’arrangement des parties du cerveau est troublé, ou que toutes ces deux choses arrivent. Je ne m’arrête pas davantage à cette question, car elle devient si composée et dépend de tant de choses, lorsqu’on descend dans le particulier, qu’elle ne peut pas facilement servir à expliquer clairement les règles que l’on a données.

Il n’y a point de science qui fournisse davantage d’exemples propres pour faire voir l’utilité de ces règles que la géométrie, et principalement l’algèbre ; car ces deux sciences en font un usage continuel. La géométrie fait clairement connaître la nécessité qu’il y a de commencer toujours par les choses les plus simples et qui renferment le moins de rapports. Elle examine toujours ces rapports par des mesures clairement connues ; elle retranche tout ce qui est inutile pour les découvrir ; elle divise en parties les questions composées ; elle range ces parties et les examine par ordre ; enfin, le seul défaut qui se rencontre dans cette science c’est, comme j’ai déjà dit ailleurs, qu’elle n’a point de moyen fort propre pour abréger les idées et les rapports qu’on a découverts. Ainsi, quoiqu’elle règle l’imagination et qu’elle rende l’esprit juste, elle n’en augmente pas de beaucoup l’étendue et elle ne le rend point capable de découvrir des vérités fort composées.

Mais l’algèbre apprenant à abreger continuellement, et de la manière du monde la plus courte, les idées et leurs rapports, elle augmente extrêmement la capacité de l’esprit ; car on ne peut rien concevoir de si composé dans les rapports des grandeurs que l’esprit ne puisse, avec le temps, le découvrir par les moyens qu’elle fournit lorsqu’on sait la voie dont il s’y faut prendre.

La cinquième règle et les autres, où il est parlé de la manière d’abréger les idées, ne regardent que cette science, car l’on n’a point dans les autres sciences de manière commode de les abréger. Ainsi je ne m’arrêterai pas à les expliquer. Ceux qui ont beaucoup l’inclination pour les mathématiques et qui veulent donner à leur esprit toute la force et toute l’étendue dont il est capable, et se mettre ainsi en état de découvrir par eux-mêmes une infinité de nouvelles vérités, s’étant sérieusement appliqués à l’algèbre, reconnaitront que si cette science est si utile à la recherche de la vérité, c’est parce qu’elle observe les règles que nous avons prescrites. Mais j’avertis que par l’algèbre j’entends principalement celle dont M. Descartes et quelques autres se sont servis.

Avant que de finir cet ouvrage, je vais donner un exemple un peu étendu pour faire mieux connaître l’utilité que l’on peut retirer de tout ce livre. Je représente, dans cet exemple, les démarches