Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/602

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un esprit qui, voulant examiner une question assez importante, fait effort pour se délivrer de ses préjugés. Je le fais même tomber d’abord dans quelque faute afin que cela réveille le souvenir de ce que j’ai dit ailleurs. Mais, son attention le conduisant enfin à la vérité qu’il cherche, je le fais parler positivement comme un homme qui prétend avoir résolu la question qu’il a examinée.


CHAPITRE IX.
Dernier exemple pour faire connaître l’utilité de cet ouvrage. L’on recherche dans cet exemple la cause physique de la dureté ou de l’union des parties des corps les unes avec les autres.


Les corps sont unis ensemble en trois manières, par la continuité, par la contiguïté, et par une troisième manière qui n’a point de nom particuler à cause qu’elle arrive rarement, et que j’appellerai du terme général d’union.

Par la continuité, ou par la cause de la continuité, j’entends ce je ne sais quoi que je tâche de découvrir, qui fait que les parties d’un corps tiennent si fort les unes aux autres qu’il faut faire effort pour les séparer, et qu’on les regarde comme ne faisant ensemble qu’un tout.

Par la contiguïté, j’entends ce je ne sais quoi qui me fait juger que deux corps se touchent immédiatement, en sorte qu’il n’y ait rien entre eux, mais que je ne juge pas étroitement unis, à cause que je les puis facilement séparer.

Par ce troisième terme, union, j’entends encore un je ne sais quoi qui fait que deux verres ou deux marbres, dont on a usé et poli les surfaces en les frottant l’une sur l’autre, s’attachent de telle sorte, qu’encore qu’on les puisse très-facilement séparer en les faisant glisser, on a pourtant quelque peine à le faire en un autre sens.

Or ceci n’est pas continuité, puisque ces deux verres ou ces deux marbres étant unis de cette manière ne sont point conçus comme ne faisant qu’un tout, à cause qu’on les peut séparer en un sens avec beaucoup de facilité. Œ n’est pas aussi simplement contiguïté, quoique cela en approche fort, parce que ces deux parties de verre ou de marbre sont assez étroitement unies et même beaucoup plus que les parties des corps mous et liquides, comme celles du beurre et de l’eau.

Ces termes ainsi expliqués, il faut présentement chercher la cause qui unit les corps et les différences qui se trouvent entre la continuité, la contiguïté et l’union, des corps selon le sens que j’ai