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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/621

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naturelle de tous les corps n’ost autre chose que la volonté générale de l’auteur de la nature, et qu’ainsi la communication des mouvements des corps à leur rencontre mutuelle ne peut venir que de cette même volonté, il s’est laissé aller à cette pensée qu’on ne pouvait donner les règles de la différente communication des mouvements que par la proportion qui se trouve entre les différentes grandeurs des corps qui se choquent, puisqu’il n’est pas possible de pénétrer les desseins et la volonté de Dieu : et parce qu’il a jugé que chaque chose avait de la force pour demeurer dans l’état où elle était, soit qu’elle fût en mouvement, soit qu’elle fût en repos, à cause que Dieu, dont la volonté fait cette force, agit toujours de la même manière, il a conclu que le repos avait autant de force que le mouvement ; ainsi, il a mesuré les effets de la force du repos par la grandeur du corps en repos, comme ceux de la force du mouvement, ce qui lui a fait donner les règles de la communication du mouvement qui sont dans ses Principes, et la cause de la dureté des corps que j’ai tâché de réfuter.

ll est assez difficile de ne se point rendre à l’opinion de M. Descartes, quand on l’envisage du même côté que lui ; car, encore une fois, puisque la communication des mouvements ne vient que de la volonté de l’auteur de la nature, et que nous voyons que tous les corps demeurent dans l’état où ils ont été une fois mis, soit en mouvement, soit en repos, il semble que nous devions chercher les règles de la différente communication des mouvements à la rencontre des corps, non dans la volonté de Dieu qui nous est inconnue, mais dans la proportion qui se trouve entre les grandeurs de ces corps.

Je ne m’étonne donc pas de ce que M. Descartes a eu cette pensée, mais je m’étonne seulement de ce qu’il ne l’a pas corrigée. lors qu’ayant poussé plus avant ses connaissances, il a reconnu l’existence et quelques effets de la matière subtile qui environne les corps.

Je suis surpris de ce que, dans l’article 132 de la quatrième partie, il attribue la force qu’ont certains corps pour se redresser ai cette matière subtile, et que dans les articles 55 et 43 de la deuxième partie et ailleurs, il ne lui attribue pas leur dureté, ou la résistance qu’ils font lorsqu’on tâche de les ployer et de les rompre, mais seulement au repos de leurs parties. Il me parait évident que la cause qui redresse et qui rend roides certains corps, est la même que celle qui leur donne la force de résister lorsqu’on les veut rompre, car enfin la force qu’on emploie pour rompre de l’acier ne diffère qu’insensiblement de celle par laquelle on le ploie.