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MANUEL D’ÉPICTÈTE.

L

les lois morales.


À tous ces préceptes, comme à des lois que tu ne peux sans impiété transgresser, reste fidèle. De tout ce qu’on pourra dire de toi, ne prends souci : cela n’est plus ton fait.


LI

pratique et théorie.


Jusques à quand tarderas-tu à te juger toi-même digne de réaliser le meilleur, et à ne plus transgresser en rien ce que te prescrit la raison ? Tu as reçu les principes que tu devais approuver, et tu les as approuvés ; quel maître attends-tu donc encore, pour rejeter sur lui le soin de te redresser, toi ? Tu n’es plus enfant, mais déjà homme fait. Si maintenant tu te négliges et t’apparesses, et que sans cesse tu mettes délais sur délais, et qu’un jour passé tu en fixes un autre après lequel tu commenceras à veiller sur toi, tu perdras même la conscience que tu ne fais point de progrès dans la sagesse, et tu vivras et mourras dans les mœurs vulgaires[1].

  1. Les moralistes anciens reviennent sans cesse sur ce sujet : ne rien remettre au lendemain. Tout ce qui est en notre pouvoir est aussi bien en notre pouvoir aujourd’hui que demain. Le remettre à demain, c’est donc se créer pour aujourd’hui un obstacle, c’est enchaîner sa liberté. Aussi, dit ailleurs Épictète, « ce qu’on peut différer utilement, on peut plus utilement encore l’abandonner. » — « Nous ne vivons pas, dit énergiquement Sénèque, nous nous préparons à vivre ; nous différons toutes choses ; non vivunt, sed