Page:Manuel d’Épictète, trad. Guyau, 1875.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
191
EXTRAITS DE MARC-AURÈLE.

XV

Les choses qui succèdent à d’autres ont toujours avec celles qui les ont précédées un rapport de famille. C’est un enchaînement harmonieusement réglé. Et de même qu’il règne dans tout ce qui est une coordination parfaite, de même il y a dans les choses qui naissent, non pas succession pure et simple, mais une évidente et admirable parenté.

XVI

Sois semblable à un promontoire contre lequel les flots viennent sans cesse se briser ; le promontoire demeure immobile, et dompte la fureur de l’onde qui bouillonne autour de lui. Que je suis malheureux que telle chose me soit arrivée ! — Ce n’est point cela ; il faut dire : Que je suis heureux, après ce qui m’est arrivé, de vivre exempt de douleur, insensible au coup qui me frappe aujourd’hui, inaccessible à la crainte de celui qui peut me frapper plus tard !

XVII

Le matin, lorsque tu sens de la peine à te lever, fais cette réflexion : Je m’éveille pour faire œuvre d’homme ; pourquoi donc éprouver du chagrin de ce que je vais faire les choses pour lesquelles je suis né, pour lesquelles j’ai été envoyé dans le monde ? Suis-je donc né pour rester chaudement couché sous mes couvertures ? — Mais cela fait plus de plaisir. — Tu es donc né pour te donner du plaisir ? Ce n’est donc pas pour agir, pour travailler ? Ne vois-tu pas les plantes, les passereaux, les fourmis, les araignées, remplissant chacun sa fonction et servant selon leur pouvoir à l’harmonie du monde ! Et après cela tu refuses de faire ta fonction d’homme ? Tu ne cours point à ce qui est conforme à ta nature. — Mais il faut bien prendre du repos. — Je le veux ! pourtant la nature a mis des bornes à ce besoin ; elle en a bien mis au besoin de manger et de boire. Toi maintenant tu passes ces bornes, tu vas au delà de ce qui doit te suffire ; dans l’action, il n’en est plus de