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ANALYSE RAISONNÉE


mesure qu'il y auroit un homme pour la recevoir, de sorte qu’il n’y eût point de moment perdu pour le travail. »

Que d’heureuses conséquences naissent des principes et des moyens que notre auteur propose dans cet article pour exciter au travail, encourager l'agriculture, et trouver des bras et des charrues qui fertilisent les terres abandonnées ! II fait sentir, avec son grand discernement, qui frappe toujours au but des choses, que la grande prospérité ou les désastres d’un pays dépendent de la bonté ou de la corruption du gouvernement ; que, sans la propriété, qui est, pour ainsi dire, la mère nourrice de l'agriculture, tout est perdu : chose qu’il a remarquée ailleurs par la pratique opposée des pays orientaux, où le despotisme, ôtant l'esprit de propriété, cause l’abandon de la culture des terres. « On ne bâtit, dit-il, de maisons que pour la vie ; on ne fait point de fossés, on ne plante point d’arbres ; on tire tout de la terre, on ne lui rend rien ; tout est en friche, tout est désert. » Notre auteur, toujours affectionné au bien public, nous montre que ces domaines étendus, sans bornes, sont le fléau de la culture des terres. Enfin il fait voir que rien n’annonce plus un gouvernement paternel qu’une attention non interrompue pour exciter au travail. Ces grandes vérités, si l’on en est bien pénétré, sont capables de ranimer l’agriculture et la population dans les fanges des marécages mêmes.

Cet amour du travail, et par conséquent cette horreur de l’oisiveté, que notre auteur inspire, lui font faire une remarque que peut-être le commun des hommes ne comprend pas, et qui cependant n’est que trop vraie ; savoir : que la population dans quelques circonstances peut être favorisée, dans quelques autres elle peut être affoiblie par l’établissement des hôpitaux. Il s’en faut bien que notre auteur, avec cette humanité éclairée qui marche à la tête de chaque page de son ouvrage, ne reconnoisse que la vraie indigence est quelque chose de sacré, que les vrais pauvres doivent être respectés comme des gens revêtus d’un caractère public, et que par conséquent leur sub-