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DE L’ESPRIT DES LOIS.


sistance est la dette la plus ancienne et la plus privilégiée de l'État ; mais il n’a que trop raison de dire que l'indigence même ne doit pas être regardée comme un mal, puisqu’elle a des ressources honnêtes pour ceux qui ne craignent pas le travail ; ainsi il n’a pas tort de dire que les hôpitaux sont nécessaires dans les pays de commerce, où, comme beaucoup de gens n’ont que leur art, l’État doit secourir les vieillards, les malades, les orphelins. Les richesses, dit-il, supposent une industrie ; mais comme, dans un si grand nombre de branches de commerce, il est impossible qu’il n’y en ait toujours quelqu’une qui souffre, l’État doit apporter un prompt secours aux ouvriers qui sont dans la nécessité ; laquelle étant momentanée, il ne faut que des secours de même nature, c’est-à-dire des secours passagers. Mais quand la nation est pauvre, la pauvreté particulière dérive de la misère générale ; Tous les hôpitaux du monde ne peuvent guérir cette pauvreté particulière : au contraire, l’esprit de paresse qu’ils inspirent augmente la pauvreté générale, et par conséquent la particulière ; témoin quelques pays remplis d* hôpitaux, où tout le monde est à son aise, excepté ceux qui ont de l’industrie, qui cultivent les arts et qui font le commerce.

Notre auteur, pour perfectionner son ouvrage, perfection qui consistoit à ramener le tout à des règles générales, comme à un point, pour ainsi dire, de ralliement, s’attache à prendre comme par la main et conduire avec sûreté ceux que le ciel a assez aimés pour les choisir pour donner des lois. Ainsi, après avoir envisagé tous les différents rapports des lois, relativement à la constitution, à la liberté civile, à la liberté politique, à la force offensive, à la force défensive, au climat, au terroir, à l’esprit général, au commerce, à la population, il examine les lois dans leurs rapports avec les différents ordres des choses sur lesquelles elles statuent. Comme rien assurément n’égale la grandeur et l’importance de cet objet, digne d’un génie mâle et sublime, on diroit que notre auteur prend ici un nouvel essor, et tente des routes nouvelles.