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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/203

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LIVRE II, CHAP. III.


son anéantissement : ainsi à Gènes la banque de Saint-George, qui est administrée [1], en grande partie, par les principaux du peuple [2], donne à celui-ci une certaine influence dans le gouvernement, qui en fait toute la prospérité.

Les sénateurs ne doivent point avoir le droit de remplacer ceux qui manquent dans le sénat ; rien ne seroit plus capable de perpétuer les abus. À Rome, qui fut dans les premiers temps, une espèce d’aristocratie, le sénat ne se suppléoit pas lui-même ; les sénateurs nouveaux étoient nommés [3] par les censeurs.

Une autorité exorbitante, donnée tout à coup à un citoyen dans une république, forme une monarchie, ou plus qu’une monarchie. Dans celle-ci les lois ont pourvu à la constitution, ou s’y sont accommodées ; le principe du gouvernement arrête le monarque ; mais, dans une république où un citoyen se fait donner [4] un pouvoir exorbitant, l’abus de ce pouvoir est plus grand, parce que les lois, qui ne l’ont point prévu, n’ont rien fait pour l’arrêter.

L’exception à cette règle est lorsque la constitution de l’État est telle qu’il a besoin d’une magistrature qui ait un pouvoir exorbitant. Telle étoit Rome avec ses dictateurs, telle est Venise avec ses inquisiteurs d’État ; ce sont des magistratures terribles, qui ramènent violemment l’État à la liberté [5]. Mais, d’où vient que ces magistratures se

  1. A. B. La banque de Saint-George, qui est dirigée par le peuple, lui donne une certaine influence, etc.
  2. Voyez M. Addisson, Voyages d'Italie, page 16. (M.) Hume. Essais moraux et politiques, IVe essai. Machiavel, Delle Istorie florentine, Hb VIII.
  3. Ils le furent d’abord par les consuls. (M.) Sup. ch. II.
  4. C’est ce qui renversa la république romaine. Voyez les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, ch. XIV et XVI. (M.)
  5. Inf. V, VIII ; XI, VI.