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LIVRE II, CHAP. III.


temps plus long seroit dangereux, un plus court seroit contre la nature de la chose. Qui est-ce qui voudroit gouverner ainsi ses affaires domestiques ? À Raguse[1], le chef de la république change tous les mois ; les autres officiers, toutes les semaines ; le gouverneur du château, tous les jours. Ceci ne peut avoir lieu que dans une petite république[2] environnée de puissances formidables, qui corromproient aisément de petits magistrats.

La meilleure aristocratie est celle où la partie du peuple qui n’a point de part à la puissance, est si petite et si pauvre, que la partie dominante n’a aucun intérêt à l’opprimer. Ainsi, quand Antipater[3] établit à Athènes que ceux qui n’auroient pas deux mille drachmes seroient exclus du droit de suffrage, il forma la meilleure aristocratie qui fût possible ; parce que ce cens étoit si petit qu’il n’excluoit que peu de gens, et personne qui eût quelque considération dans la cité.

Les familles aristocratiques doivent donc être peuple autant qu’il est possible. Plus une aristocratie approchera de la démocratie, plus elle sera parfaite ; et elle le deviendra moins, à mesure qu’elle approchera de la monarchie.

La plus imparfaite de toutes est celle où la partie du peuple qui obéit, est dans l’esclavage civil de celle qui commande, comme l’aristocratie de Pologne, où les paysans sont esclaves de la noblesse.

  1. Voyages de Tournefort. (M.)
  2. À Lucques, les magistrats ne sont établis que pour deux mois. (M.)
  3. Diodore, liv. XVIII, page 601, édition de Rhodoman. (M.) Voyez les Éclaircissements sur l’Esprit des Lois, ch. II, à la suite de la Défense. Montesquieu y répond aux critiques du Journal de Trévoux. V. inf. XXIV, ch. XXIV.
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