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CHAPITRE XI.


EFFETS NATURELS DE LA BONTÉ ET DE LA CORRUPTION
DES PRINCIPES.


Lorsque les principes du gouvernement sont une fois corrompus, les meilleures lois deviennent mauvaises, et se tournent contre l’État ; lorsque les principes en sont sains, les mauvaises ont l’effet des bonnes ; la force du principe entraîne tout.

Les Crétois, pour tenir les premiers magistrats dans la dépendance des lois, employoient un moyen bien singulier : c’étoit celui de l'insurrection. Une partie des citoyens se soulevoit [1] mettoit en fuite les magistrats, et les obligeoit de rentrer dans la condition privée. Cela étoit censé fait en conséquence de la loi. Une institution pareille, qui établissoit la sédition pour empêcher l’abus du pouvoir, sembloit devoir renverser quelque république que ce fut ; elle ne détruisit pas celle de Crète. Voici pourquoi [2] :

Lorsque les anciens vouloient parler d’un peuple qui avoit le plus grand amour pour la patrie, ils citoient les Crétois. La patrie, disoit Platon [3], nom si tendre aux Crétois. Ils l’appelloient d’un nom qui exprime l’amour

  1. Aristote, Politique, liv. II, chap. X.
  2. On se réunissoit toujours d’abord contre les ennemis du dehors, ce qui s'appeloit syncrétisme, Plutarque, Œuvres morales, p. 88. (M.)
  3. République, liv. IX. (M.)