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102 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

musique — quel beau tableau on en pourrait tirer : celui des poncifs multiples qui la conduisent. L'Art, communication avec le plus mystérieux au-delà : il est bien des façons de ressentir une œuvre. Cette page de Beethoven découvre à tel « profane » un paradis à la fois littéraire et sentimental — et ne sera pour nous qu'une image saisissante de l'artifice et, si l'on peut dire, du plus pathétique néant. Celle-ci, de Wagner, on voudrait, en l'entendant, pouvoir se lever de son fauteuil pour crier : «C'est grotesque ! » Comme le caissier qui, à chaque fin d'année, fait le bilan, il n'est pas mauvais à certaines minutes de régler ses comptes avec les gens de génie. Nous nous en porterons peut- être mieux. Réhabilitation du « talent » (qui nous ouvrira toutes les portes), de la « force » (pas celle qui casse les pianos), de l'ff habileté.» (échappée des écoles où elle s'ennuyait trop), dégoût du « don » (aune certaine échelle), de la « grâce » (d'une certaine couleur), voici notre diagnostic. Et je pense aussi atout ce que nous aimerions comme régime : viandes saignantes et vins secs. J'explique ainsi le goût de Darius Milhaud pour les fugues de Bach et l'extra-Dry.

1890 : Wagner, son béret, ses robes de chambre, ses grosses partitions, Louis II de Bavière, le symbolisme s'apprenant à devenir français, la Rose-Croix, puis le souvenir d'Auber, les cheveux blancs d'Ambroise Thomas, au Conservatoire un vieux monsieur inconnu qui enseigne l'orgue et meurt doucement de pauvreté : César Franck ; Camille Saint-Saens, une musique en bois qui brûlera comme de la paille ; un homme de génie empêtré dans le genre « puissant » et ce qui s'appelle, je crois, le « sublime » : Chabrier ; ses amis qui grandiront : Vincent d'Indy, Gabriel Fauré (combien de recueils charmants et com- ment oublier, sur le piano de notre enfance, leurs couvertures bleues et ces paroles où l'on apprenait à bien connaître, à côté il est vrai d'Armand Silvestre et de Jean Lahor, le Verlaine de la Bonne Chanson et des Fêles Galantes).

Mais le xrx* siècle finissant, après tant de feux d'artifices, mais Rossetti, Maeterlinck (celui de la « Princesse Maleinc » et des articles d'Octave Mirbeau), les premiers tableaux impression- nistes, Sisley clignant des yeux devant la Seine, Pissaro, habile et fin, Monet dressant des fleurs comme des œufs à la neige qu'on aurait empoisonnés, cette grande fatigue sensuelle, épar-

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