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tive : ruissellement des eaux, fracas des cascades, gazouillis d’oiseaux, frissons des ramures, autant d’exercices stériles d’un intellect qui n’a point suffi à rendre agrestes les murmures de la forêt dans Siegfried. S’il est arrivé parfois que la contemplation des spectacles naturels sollicitât cette ingénuité par quoi l’ouverture des Hébrides se dérobe aux habituelles ruses men- delsshoniennes, et cette fraîcheur qui tire les bonnes pages de Berlioz hors de la médiocrité des musiciens en chambre de son temps, c’est de nos jours que l’amour de la nature a pénétré l’âme des compositeurs et que notre musique en a été tout entière renouvelée. Sans doute même est-ce là le point saillant de ce renouveau. Et l’oii ne saurait dire à quel point sont injustes les adversaires de la Schola quand ils accusent cette école de ne travailler que sur des formules et des théorèmes. Ils affectent de la confondre avec une usine à contrepoint, un atelier de démontage des oeuvres classées, un strict rucher affairé aux « cellules », un trust de bâtisseurs de « ponts ». Et si cela peut être, et si cela est pour les faibles, cela n’empcche point que, pour les forts, les meilleurs parmi ses adeptes ont trouvé leur inspiration la plus vraie dans la nature et qu’ils l’ont faite diverse, soit, comme Albert Roussel, en parcourant le vaste monde, soit en la localisant: d’Indy dans le Vivarais, Guy Ro- partz et Le Flem dans la Bretagne, Déodat de Séverac dans le Languedoc.

Parmi eux, Déodat de Séverac, dont la musique déplore amèrement la perte, la plus lourde qu’elle ait subie depuis la mort de Debussy, était le plus rudement rustique. Sa phrase courte, incisive, et fruste volontiers, n’a cessé de chanter les géorgiques des labours, des semailles et des moissons, les cruautés brèves de la grêle, le Mas, ses fêtes et ses foires, les courses à cheval dans les prairies, les ménétriers, les glaneuses, et l’implacable soleil [1]. Elle n’a été que joie, tour à tour alerte et puissante. Elle n’a pas connu, à l’aurore du siècle, la tristesse contemporaine : quand elle a médité sur des tombes, le cimetière était en fleurs. C’est pour elle que l’obscur labeur du langage a créé les mots saveur et terroir, pour les mélodies sur

  1. Le Chant de la Terre ; En Languedoc ; Cerdana ; Baigneuses au Soleil ; Sous les Lauriers roses.