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TANTE GERTRUDE


CHAPITRE III


— Je t’ennuie peut-être, Jean, mais, vois-tu, il faut me laisser babiller ! je suis si heureuse ! si heureuse ! Vite ! approche-toi un peu, que je t’embrasse encore une fois pendant qu’il n’y a personne sur la route.

Et Madeleine de Ponthieu, n’ayant pas la patience d’attendre que son frère se penchât, l’attrapa si brusquement par le cou que le jeune homme faillit perdre l’équilibre et tomber de son siège.

— Tu es ridicule, Madeleine, avec tes manières d’enfant gâtée.

— Oh ! ne gronde pas, « maman Jean », ne gronde pas, sinon je vais pleurer. Et il paraît que je suis laide à faire peur quand je pleure, c’est Gontran qui me le dit. Il ne faut pas que votre petite sœur soit laide, n’est ce pas, monsieur ? Là ! maintenant je vais rester bien tranquille et ne plus bouger du tout. Quel temps superbe ! Que c’est beau la campagne pendant l’été ! Et dire que me voilà pour deux mois dans ce délicieux pays : ils sont si amusants tous tes bons paysans belges avec leur « savez-vous ! » Il n’y a que ton prince qui me chiffonne ; il a l’air si imposant !… Le véritable revers de la médaille, c’est ce nom de Bernard ! — Bonjour, mademoiselle Bernard. — Les premières fois que je l’entendais, je croyais toujours qu’il y avait une autre personne derrière moi, et je me retournais pour voir Mlle Bernard… Bon ! voilà que je t’ai fait de la peine ! Il n’y a plus du tout de fossette, là — et l’enfant effleura légèrement de son petit doigt la joue de son frère ; — quand la fossette disparaît tout à fait, c’est que « maman Jean » a du chagrin… Non ! va, c’est fini ! je n’en parlerai plus jamais, jamais ! De temps en temps, pour me consoler, je m’appellerai Mlle de Ponthieu tout haut, et gros comme le