Page:OC Flavius Josephe, trad. dir. Theodore Reinach, tome 1.djvu/116

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bienveillante de Joseph, n’avaient pas hésité à se mal conduire à son égard : cette coupe dont il s’était servi pour porter leurs santés[1], ils l’avaient dérobée, et l’attrait de ce profit coupable l’emportait sur l’affection qu’ils devaient à Joseph et la crainte du danger qu’ils couraient si on les prenait sur le fait ; là-dessus, ils les menacent d’un châtiment prochain, car, en dépit de leur fuite après le vol, ils n’avaient pas échappé à Dieu, s’ils avaient pu tromper la surveillance de l’esclave de service. « Et vous demandez, disent-ils, le motif de notre présence ici, comme si vous l’ignoriez : eh bien ! vous en serez instruits bientôt par votre châtiment même. » C’est en termes analogues et d’autres encore plus violents que l’esclave les invectivait. Ceux-ci, ignorant ce qui se tramait contre eux, se moquaient de ces discours et s’étonnaient de la légèreté de langage avec laquelle cet homme osait porter une accusation contre des gens qui, loin de garder l’argent du blé retrouvé au fond des sacs, l’avaient rapporté, bien que personne n’en eût rien su : tant s’en fallait qu’ils eussent conçu de coupables desseins ! Cependant, croyant qu’une enquête les justifierait mieux que leurs dénégations, ils demandèrent qu’on s’y livrât et, au cas où il se trouverait un receleur, qu’on châtiât tout le monde ; n’ayant rien à se reprocher, ils pensaient qu’à parler librement ils ne couraient aucun danger. Les Égyptiens acceptèrent de faire ces recherches ; mais, disaient-ils, la punition ne frappera que celui qui sera reconnu l’auteur du larcin. Ils se mettent donc à fouiller et quand ils ont passé en revue tout le monde, ils arrivent en dernier lieu à Benjamin ; ils savaient fort bien que c’était dans son sac qu’ils avaient enfoui la coupe, mais ils voulaient que leur perquisition parût se faire rigoureusement.

Tous les frères donc, délivrés de tout souci personnel, n’avaient encore quelque inquiétude qu’à l’égard de Benjamin, mais ils se rassurèrent en songeant que celui-là non plus ne se trouverait pas en faute ; et même ils gourmandaient leurs persécuteurs pour l’obstacle qu’ils mettaient à un voyage qu’ils auraient pu pousser plus

  1. Dans l’Écriture, la coupe de Joseph lui sert à des pratiques de magie (XLIV, 5).