Page:OC Flavius Josephe, trad. dir. Theodore Reinach, tome 1.djvu/117

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loin. Mais quand on eut cherché dans le sac de Benjamin et pris la coupe, ils se mirent aussitôt à gémir et à se lamenter et, déchirant leurs vêtements, déploraient le sort de leur frère, qui allait être châtié de son vol, et la déception qu’ils infligeraient à leur père touchant le salut de Benjamin. Ce qui aggravait encore leur désastre, c’était de se voir atteints au moment où ils croyaient déjà avoir échappé aux plus terribles aventures ; les malheurs arrivés à leur frère et le chagrin que leur père allait en éprouver, ils s’en disaient responsables, ayant contraint leur père, malgré sa répugnance, à l’envoyer avec eux.

8. Les cavaliers, s’étant saisis de Benjamin, l’amènent à Joseph, suivis de ses frères ; ce dernier, voyant Benjamin gardé à vue et les autres dans une tenue de deuil : « Quelle idée, dit-il, ô les plus méchants des hommes, vous êtes-vous donc faite de ma générosité ou de la providence divine pour avoir osé agir ainsi envers votre bienfaiteur et votre hôte ? » Ceux-ci s’offrent eux-mêmes au châtiment pour sauver Benjamin ; ils se reprennent à songer à leur attentat contre Joseph et ils s’écrient qu’il est plus heureux qu’eux tous ; s’il a péri, il est affranchi des misères de la vie, s’il vit encore, Dieu le venge de ses bourreaux ; ils ajoutent qu’ils font le malheur de leur père ; après ce qu’il avait souffert jusque-là pour Joseph, ils lui donnaient encore Benjamin à pleurer, et Roubel alors se répandait en reproches contre eux. Mais Joseph les relâche, disant qu’ils n’ont point fait de mal, et qu’il se contente du seul châtiment de l’enfant ; car il ne serait pas plus raisonnable, disait-il, de le relâcher, lui, parce que les autres sont innocents, que de faire partager à ceux-ci la peine de celui qui a commis le larcin ; ils pouvaient s’en aller, il leur promettait sauvegarde. Là-dessus, tous sont saisis d’épouvante et l’émotion leur ôte la parole, mais Joudas, celui qui avait déterminé leur père à envoyer le jeune homme, et qui en toute occurrence faisait preuve d’énergie, résolut, pour sauver son frère, d’affronter le danger[1] : « Sans doute, seigneur gouverneur, dit-il, nous sommes coupables envers toi d’une excessive témérité qui mé-

  1. Gen., xliv, 16.