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Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/662

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Voici un mois encore au nom duquel, on attribue diverses origines; vous choisirez à votre gré, quand je les aurai toutes exposées. Ce sont des faits que vous allez entendre; mais plus d'un va m'accuser d'inventer à loisir, et prétendre que jamais les divinités ne se sont révélées à l'oeil d'un mortel. [6, 5] Pourtant il est un dieu en nous; il nous agite, il nous échauffe; nos transports attestent la présence d'un esprit divin. À moi surtout, plus qu'à personne, il a pu être donné de contempler la face des dieux, et parce que je suis poète, et parce que leur culte est l'objet de mes chants.

Il est un bois épais, [6, 10] retraite silencieuse, où l'on n'entend que le murmure des eaux. Là j'étais allé méditer sur le mois qui nous occupe, et son nom absorbait toutes mes pensées. Soudain j'aperçois des déesses, non celles qui apparurent au chantre de l'agriculture, quand il pressait ses brebis dans les plaines d'Ascra, [6, 15] ni celles que jugea le fils de Priam dans les humides vallées de l'Ida; une de ces dernières pourtant s'y trouvait, celle qui a son frère pour époux; celle, je la reconnus, qui a sa place dans la citadelle consacrée à Jupiter. Je frémissais; ma pâleur, mon silence trahissaient mon trouble, [6, 20] quand la déesse dissipe elle-même la terreur qu'elle m'inspirait: "O poète, me dit-elle, qui traces le tableau de l'année romaine, et qui n'as pas craint de chanter de si grandes choses sur un rythme léger, tu t'es acquis le droit de voir les maîtres du ciel, quand tu as entrepris de décrire leurs fêtes dans tes vers. [6, 25] Je ne veux pas que tu partages l'erreur du vulgaire; je ne veux pas te laisser ignorer que ce mois s'appelle juin, parce que je m'appelle Junon. C'est quelque chose d'avoir épousé Jupiter, d'être la soeur de Jupiter; je ne sais si je dois être plus fière de ce qu'il est mon frère ou de ce qu'il est mon époux. Si l'on considère ma naissance, la première j'ai valu à Saturne le nom de père; [6, 30] je suis la fille aînée de Saturne. Du nom de mon père, Rome autrefois prit le nom de Saturne; après le ciel, ce