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Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/802

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Ta candeur, cette vertu presque éteinte de nos jours, m’oblige à former pour toi de semblables vœux. Quoique je fusse peu connu de toi, tu as, dit-on, pleuré sur mon exil ; et quand tu lus ces vers envoyés des rivages du Pont, quelque médiocres qu’ils soient, ton suffrage leur a donné du prix. Tu souhaitas que César mît enfin un terme à sa colère contre moi ; et César, s’il les connaissait, permettrait de pareils désirs. C’est ta bienveillance naturelle qui te les a inspirés, et ce n’est pas ce qui me les rend moins précieux.

Ce qui te touche le plus dans mes malheurs, c’est sans doute, docte Salanus, de songer au lieu que j’habite. Tandis qu’Auguste fait jouir le monde entier des bienfaits de la paix, tu ne trouveras pas un pays où elle soit moins connue qu’ici ; cependant tu lis ces vers faits au milieu des combats sanglants et tu y applaudis ensuite ; tu donnes des éloges à mon génie, produit incomplet d’une veine peu féconde ; et d’un faible ruisseau tu fais un grand fleuve. Oui, tes éloges sont chers à mon cœur ; quoique tu puisses penser de l’impuissance des malheureux à éprouver un plaisir quelconque, quand je m’efforce d’écrire des vers sur un sujet de peu d’importance, ma muse suffit à ce travail facile. Naguère, lorsque le bruit du triomphe éclatant de César parvint jusqu’à moi[1], j’osai entreprendre la tâche imposante de le célébrer, mais la splendeur du sujet et son immensité anéantirent mon audace ; j’ai dû succomber sous le poids de l’entreprise. Le désir que j’avais de bien faire est la seule chose que tu pourrais louer ; quant à l’exécution, elle languit écrasée par la grandeur de la matière. Si, par hasard, mon livre est tombé dans tes mains, je te prie, qu’il se ressente de ta protection ; tu la lui accorderais sans que je te la demandasse ; que du moins ma recommandation ajoute quelque peu à ta bonne volonté. Sans doute je suis indigne de louanges, mais ton cœur est plus pur que le lait, plus pur que la neige fraîchement tombée. Tu admires les autres quand c’est toi qui mérites qu’on t’admire, quand ton éloquence et tes talents ne sont ignorés de personne. Le prince des jeunes Romains, César, à qui la Germanie a donné son nom, s’associe ordinairement à tes études. Tu es le plus ancien de ses compagnons, son ami d’enfance ; tu lui plais par ton génie qui sympathise avec son caractère. Tu parles, et bientôt il se sent inspiré ; ton éloquence est comme la source de la sienne. Quand tu as cessé de parler, que toutes les bouches se taisent et que le silence a régné un instant, alors le prince si digne du nom de Iule se lève, semblable à l’étoile du matin sortant des mers de l’Orient. Tandis qu’il est encore muet, son visage, sa contenance, révèlent déjà le grand orateur, et

  1. Le triomphe de Tibère. Voy. lettre 4, liv. II.