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Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/801

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LETTRE IV

À ATTICUS

Atticus, ô toi dont l’attachement ne saurait m’être suspect, reçois ce billet qu’Ovide t’écrit des bords glacés de l’Ister. As-tu gardé quelque souvenir de ton malheureux ami ? Ta sollicitude ne s’est-elle pas un peu ralentie ? Non, je ne le puis croire : les dieux ne me sont pas tellement contraires qu’ils aient permis que tu m’oubliasses si vite ! Ton image est toujours présente à mes yeux ; je vois toujours tes traits gravés dans mon cœur. Je me rappelle nos entretiens fréquents et sérieux et ces longues heures passées en joyeux divertissements. Souvent, dans le charme de nos conversations, ces instants nous parurent trop courts ; souvent les causeries se prolongèrent au-delà du jour. Souvent tu m’entendis lire les vers que je venais d’achever, et ma muse, encore novice, se soumettre à ton jugement. Loué par toi, je croyais l’être par le public, et c’était là le prix le plus doux de mes récentes veilles. Pour que mon livre portât l’empreinte de la lime d’un ami, j’ai, suivant tes conseils, effacé bien des choses. Souvent on nous voyait ensemble dans le forum, sous les portiques, et dans les rues ; aux théâtres, nous étions souvent réunis. Enfin, ô mon meilleur ami, notre attachement était tel qu’il rappelait celui d’Achille et de Patrocle. Non, quand tu aurais bu à pleine coupe les eaux du Léthé, fleuve d’oubli, je ne croirais pas que tant de souvenirs soient morts dans ton cœur. Les jours d’été seront plus courts que ceux d’hiver, et les nuits d’hiver plus courtes que celles d’été ; Babylone n’aura plus de chaleurs, et le Pont plus de frimas ; l’odeur du souci l’emportera sur le parfum de la rose de Paestum, avant que mon souvenir s’efface de ta mémoire. Il n’est pas dans ma destinée de subir un désenchantement si cruel. Prends garde cependant de faire dire que ma confiance m’abuse, et qu’elle ne passe pour une sotte crédulité. Défends ton vieil ami avec une fidélité constante ; protège-le autant que tu le peux, et autant que je ne te serai pas à charge.


LETTRE V

À SALANUS

Ovide te salue d’abord, ô Salanus, et t’envoie ces vers au rythme inégal. Puissent mes vœux s’accomplir et leur accomplissement confirmer mes présages ! Je souhaite, ami, qu’en me lisant, tu sois dans un état de santé prospère.