Page:Petrović-Njegoš - Les Lauriers de la montagne, trad. Veković, 1917.djvu/27

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SERDAR RADOGNA


Voyez ce miracle, Monténégrins !
J’ai déjà près de cinquante ans,
j’ai toujours passé l’été à Lovtchen,
j’ai cent fois regardé du haut de ce sommet
les nuages qui se lèvent et couvrent la montagne,
je les ai vus courir de-ci de-là,
avec des éclairs et des bruits effrayants de tonnerre.
Cent fois je me suis chauffé tranquillement là, au soleil,
et au-dessous de moi j’ai pu voir aussi
les éclairs fendant l’atmosphère ;
j’ai contemplé la grêle et son tumulte,
mais je n’ai jamais vu un miracle pareil.
Regardez, si vous croyez en Dieu,
partout, sur la mer et sur les côtes,
sur la plaine de Bosnie et d’Herzégovine,
sur toute l’Albanie jusqu’à la mer
et sur toute notre Montagne-Noire, —
partout nous voyons le même nuage épais,
partout nous entendons le fracas de l’orage,
partout au-dessous de nous les éclairs sillonnent le ciel ;
seuls, ici, nous demeurons dans le soleil
au milieu d’une chaleur lourde,
sur cette colline où règne d’habitude le froid !