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SABBAT

sable, l’or du temps… Les épines déchirent l’âme de la rose avec leurs griffes de corail, un seau monte du puits et une nymphe s’en échappe en jetant les ailes de sa danse, au vent…

Le blé chante, et, sur sa lèvre dorée, les chansons sont les coquelicots, les chèvres bêlent le tourment de leurs flancs maigres et brûlants à la broussaille, la gorge de sainte Sorcière est douce d’un roucoulement et, dans ses yeux, circule l’eau des fontaines.

Effroi divin ! Elle sent son visage épars comme le parfum du jasmin et le rayonnement de la pivoine, et voici que, magnifique, universelle, délivrée, elle entend glisser son cœur, dans le fleuve des choses, comme un dur et souple poisson d’argent…

Mais, soudain, son cœur qui a, déjà, changé de nature, son cœur, d’un coup d’ongle, est fendu. Les grains de rubis de cette grenade d’or roulent à terre et Satan rit.

« Sainte Sorcière, dit-il, épouse chaude, ô toi qui pèches tant car tu ne pèches pas, tout — n’est-ce pas ? — suffit à nous donner le faste. » Et il jette un mousseron des bois dans la robe verte.

« Tout suffit — n’est-ce pas ? — à nous donner le songe. » Et, d’une pipe étoilée, il fait monter, entre lui et sainte Sorcière, un nuage odorant.