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SABBAT

— Quelle affreuse vision ! Ce châle sur la figure, ces pleurs dans ce mérinos de deuil, cette octogénaire grosse comme le poing qui crève de douleur et ne peut l’exprimer car elle est quasiment percluse… Madame Hortense, je vous salue.

— C’est bien. C’est bien. Cette femme a droit à ton admiration, à ton estime, à ta ferveur. Elle fut plus obéissante, cette volontaire, que le contre-vent qu’on ferme, chaque soir ; que la porte qu’on ouvre, chaque matin ; que le seau qu’on descend dans le puits ; que la bûche qu’on jette au feu. « Oui, Monsieur », disait-elle, et, chaque fois, elle se damnait un peu plus.

Ah ! Ah ! Et dire que les courtisanes croient attirer Satan quand elles le bravent, toutes nues, la cuisse en l’air, que les débauchés s’imaginent que je les habite ! Mais qu’en ferais-je de ces dandys ou de ces salopes ? Mylord l’Arsouille ? Messaline ? Merci. Pas pour moi. J’ai mieux. J’ai… Hortense.

Salut, Hortense !…

— Oh ! ce visage rapace et flétri, cette mâchoire édentée, ces rides en long…

— Les rides en long ? Oui… c’est bien ça…

— …Ces yeux qui sont un foyer éteint entouré de braise vive…

— Elle est belle — n’est-ce pas ? — Hortense. Et tu ne sais pas tout. Elle n’a qu’un sein. Vers quarante ans, on l’opéra dans la maison même du Juge, et avec beaucoup de soin. Je ne puis te dire ce qui avait déterminé