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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/150

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SABBAT

enterré qu’hier, et le lit est encore dans l’état où le laissa le vieux maudit lorsque quatre de mes suppôts, déguisés en humbles croque-morts, vinrent le chercher.

Le corps énorme a pesé, sué, souffert, là, dans ce creux, et les chandeliers Empire pleurent du vert-de-gris autour de mon buste de bronze. J’étais, ma foi, un beau Juge.

— Horreur ! Horreur !

— Passe cette robe de soie puce, couvre ta tête d’une dentelle noire, mets des mitaines distinguées, chère démone, et suspends, à ton cou, la croix d’une abbesse. Je ne veux pas — tu comprends — car je suis galant Diable, faire crier d’étonnement et d’inquiétude les vieilles dames des cadres ovales, dans le froid salon de reps vert. L’une d’elles est vieille comme on est damnée, et sa réprobation s’est réfugiée dans ses cheveux blancs, raides et tristes, aussi bien que dans son médaillon de malachite, que dans sa bouche mince qui vous suit comme un regard…

Tâche de ressembler un peu aux vieilles maudites, ma démone, et fais, en passant, une révérence au secrétaire qui est plein de l’or corrompu que l’on entasse pièce à pièce, qui abrite, en outre, un Érasme en mauvais état et une tête de mort qui voudrait être épouvantable, mais qui est, tout simplement — vanitas ! vanitas ! — ridicule, car le Juge l’a coiffée d’une de ses calottes noires.

— Mais j’ai peur… J’ai peur, moi !

— Allons, pas de sottise. Salue Hortense.