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SABBAT

Toute enfant, je m’imaginais qu’il y avait des prisons pour ceux qui font du mal aux ailes. Et puis, j’ai su que les pires bourreaux sont délivrés par le papillon qu’ils dégagent d’une résine. Nos rédemptions viennent toujours des choses innocentes.

— Oui, je te l’affirme : la vie éternelle est à ceux pour lesquels, un soir, des oiseaux ont chanté.

— Une fois, j’ai souri à une biche qui allaitait son faon, eh bien ! figure-toi que je me suis sentie mère, soudain, d’un faon pareil. Veux-tu le voir ? Il ne quitte jamais ma robe.

Mais pourquoi y a-t-il des chiens méconnus, des grains de blé qui frappent, en vain, le sol de leur petit brodequin d’or et que les hommes ne veulent jamais entendre ? Et ces malheureux cochons que l’on saigne au milieu de torches fumeuses et qui n’ont jamais pu encore bénir l’homme pour sa pitié !

Se peut-il ! La beauté, la douleur des bêtes font maternelles mes hanches, et, quand elles me caressent, et, quand elles souffrent, c’est aux flancs que je suis touchée. Si on les égorge, je suis frappée de démence, et je me cache en maudissant la vie qui nourrit ses créatures de la chair de ses créatures.

— Tous les cochons pensent à toi, avant de mourir, ô démone ! Ils savent combien tu es douce à la condition affreuse des animaux, ces dieux muets qui aspirent, sans fin, au cœur de l’homme. Apaise-toi : la tendresse