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II

L’Inspirée.

Je ne sais pas ce que je chante. Je ne sais rien de ce que les autres croient savoir. Je n’interroge jamais personne. Quand je me tais, sournoise et lointaine, c’est pour me perdre dans la conversation des petites filles et des chardonnerets, et mon génie est mon éclat de rire au nez des sages.

— Puis-je t’approcher, sorcière ?

— Qui es-tu ?

— Bémolus, le poète.

— …Je suis belle par l’harmonie de mes gestes attachés à mon âme comme les pampres à la vigne. Je suis douce de toute une violence vaincue, et parce que depuis le temps — hélas ! — on a fouetté beaucoup de bêtes. Je suis folle à cause de tous ces arbres qui font de l’ouragan dans mes silences, une tempête de feuilles vertes, une tempête d’espérance qui souffle du vent, du vent par mille bouches pures. Je suis folle.

Bémolus, à part. — On me l’avait bien dit.

— …Je n’ai que des sensations et des rêves.