Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
73
SABBAT

Les unes sont la chair de l’intelligence. Les autres en sont l’esprit prophétique. Quand je touche une fleur, j’ai tout compris. Quand j’en imagine une, je la crée.

— Écoute-moi, sorcière.

— …Je suis religieuse par toutes les forêts qui ont fait de l’ombre sur mon âme. Mais je n’ai pas de plus grande gloire que ma furie, les jours où je pense que la nature est une révolte incessante et splendide et que les chênes vont à l’assaut de Dieu.

— Tu n’as pas l’air d’une maudite, pourtant ! Tes yeux sont pareils à la lumière.

— Chut ! Je suis une maudite : signe de divinité… Tu ne comprends pas ? Dis-toi, simplement, que j’ai le rire bleu de la foudre, l’irrésistible montée des déluges, les ailes de ce qui — cyclones ou rébellion — tourbillonne, s’élève et se bat.

Il n’y a qu’une chose qui compte : c’est d’avoir des ailes.

— Ah ! sorcière, que la joie est extraordinaire ! Moi, j’ai la mélancolie des luths oubliés… Le silence effrayé des lacs dans les montagnes…

La Sorcière, à part. — Encore un !

— Sorcière, je suis comme une bête qui a faim.

— Mange.

— Sorcière, je suis comme une bête qui a soif.

— Bois.

— Sorcière, je suis comme une bête qui