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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/623

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CONTRE COLOTÈS.

ni la nature, ni l’usage, ni le sentiment chez les hommes, quand on proclame que par la participation et l’appropriation d’une certaine substance commune chacun de nous est devenu l’image de ce qui par la génération lui avait imprimé sa ressemblance. En effet, quand je dis que le fer rouge n’est pas du feu, que la lune n’est pas soleil, mais que c’est, pour parler avec Parménide,

Une flamme étrangère,
Flambeau des nuits, errant autour de notre terre,

quand je parle ainsi, je ne supprime pas pour cela l’usage du fer, je ne nie pas pour cela l’existence de la lune. Mais si je viens à dire, qu’elle n’est point un corps, qu’elle n’est pas éclairée, voilà que je m’insurge contre le témoignage des sens, voilà que je ne laisse plus ni corps, ni être animé, ni génération. Si je reconnais que corps, être animé, génération, tout cela existe par cela seul qu’il participe à l’être toujours existant, à l’être qui donne l’existence, et si je comprends aussi quelle grande différence il y a entre ces choses et l’être en question, dès lors je ne nie pas les objets sensibles, je ne supprime pas les affections qui se produisent et apparaissent en nous. Je démontre qu’en fait de substances il en est d’autres qui, n’ayant pas eu de naissance, ne devant pas avoir de fin, et n’étant soumises à aucune affection, sont plus solides et plus durables que celles-là. Je le démontre par l’exemple des philosophes venus ultérieurement, et je fais comprendre[1] comment ceux-ci formulent bien mieux cette différence par les noms d’êtres existant et d’être arrivant à l’existence. C’est aussi ce que font les modernes. Il y a beaucoup de choses importantes auxquelles ils refusent l’appellation d’ « êtres » : à savoir, le vide, le temps, l’espace, et en général, ce qui est purement mot, bien

  1. Nous avons dans toute cette période substitué comme sujets des phrases le pronom de la première personne à celui de la troisième, pour donner plus de clarté. Depuis ces mots : « En effet, si je dis que le fer rouge » etc., jusqu’à ceux-ci : « et je fais comprendre, etc. » Le grec donne : « Celui qui dit que le fer rouge, etc. » et termine par : « il fait comprendre comment ceux-ci, etc. »