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CONTRE COLOTÈS.

que réunissant d’ailleurs les conditions de la vérité. « Ce ne sont pas des êtres, dit cette école moderne, ce sont certaines choses, dont il est fait un usage continuel et dans la vie et dans le langage philosophique, comme si elles subsistaient, comme si elles étaient. »

16. Mais je voudrais bien demander à notre accusateur, si dans leurs propres affaires les gens de son bord n’aperçoivent pas eux-mêmes cette différence, en vertu de laquelle certaines choses sont permanentes et immuables dans leur essence. Ainsi, des atomes, qui sont insensibles et solides, les Épicuriens disent : « Les atomes persistent constamment dans le même état. Au contraire les corps formés d’atomes sont souverainement passagers et changeables : ils naissent et périssent tour à tour. » Ils expliquent cette contradiction, en disant « que des milliers d’images s’échappent et coulent sans cesse, que des milliers d’autres images sont tout naturellement ramenées par l’air ambiant et reconstituent la masse. Cette masse se trouve diversifiée et mélangée par les échanges réciproques : vu que les atomes qui se trouvent au fond du mélange ne peuvent jamais cesser de se mouvoir et de se heurter les uns contre les autres. » Voilà ce que disent les Épicuriens eux-mêmes. Il y a donc dans les choses une pareille diversité de substance.

Mais, plus conséquent que Platon, Épicure donne également le nom d’être à toutes les substances : au vide impalpable, comme au corps qui résiste, aux principes comme aux mélanges. Il va même, en vérité, jusqu’à regarder comme participant d’une essence commune ce qui est éternel et ce qui est né, ce qui est indestructible et ce qui doit périr. Il range dans une commune catégorie les natures exemptes de toute affection, qui se suffisent à elles-mêmes, qui ne peuvent jamais déchoir de l’existence, et les natures dont l’existence consiste à être affectées et changeantes, à ne rester jamais un seul moment les mêmes. Or s’il est vrai qu’à cet égard Platon ait encouru les critiques les plus sérieuses, à qui appartenait-il de lui demander compte de cette confusion de mots ? C’est à ceux qui