Page:Réchetnikov - Ceux de Podlipnaïa, trad Neyroud, 1888.djvu/57

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son visage rouge-verdâtre avec ses grands yeux ouverts qui le fixaient d’un air sévère, il eut une terreur effroyable et sauta à bas du poêle pour s’enfuir.

— Cette charogne serait capable de me ronger encore ! grogna-t-il.

Pila entra très allègrement dans sa chaumière. Matriona, en l’apercevant, commença à jurer :

— Sale bête ! tu as voulu que nous mourions tous ; tiens, voilà Aproska qui est morte !

Pila se sentit assommé, comme si on lui avait asséné un grand coup de gourdin sur le crâne : il ouvrit la bouche et regarda stupidement sa fille étendue sur le poêle. Elle ne respirait plus. Elle ressemblait tellement à ce qu’elle était deux semaines auparavant, que Pila eut peine à la croire morte… Il la tâta, mais elle ne bougea pas. Pila poussa un hurlement et s’enfuit dans l’étable où il pleura longtemps en se roulant de douleur. Ivan et Pavel dormaient tranquilles. Le père désolé se demanda s’il n’allait pas repartir tout de suite ; mais il pensa à Syssoïko, dont il eut grande pitié. Il fallait aussi enterrer Aproska. Quand Pila rentra dans la chaumière, il vit Matriona qui sanglotait sur le poêle et Syssoïko qui regardait sa fiancée d’un air sauvage ; il ne pleurait pas, mais une souffrance atroce le torturait. Il aimait tant Aproska qu’il aurait toujours voulu