Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/109

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porter sa nourriture. Chaque jour, il revenait. La toile d’araignée pendait toujours à la manche de son habit poussiéreux, sa botte craquait sur le pavé, la grosse ride de son front se creusait dans une pâleur de torture et d’insomnie. Chaque fois il ressortait silencieusement, et, aux larmes et aux supplications, il ne répondait que par un geste bref montrant la clef pendue au mur.

Ce furent des jours tragiques où la malheureuse vécut les yeux fixés sur l’horrible ex-voto, qui grandissait, devenant énorme. La rouille lui en paraissait rouge de sang. Elle la sentait s’égoutter dans la solitude de son désespoir. La maison semblait morte. Vers le soir, on entendait un pas, M. d’Heurteleure entrait une fois encore, portant une lampe et une corbeille. Ses cheveux avaient blanchi ; il ne regardait pas l’infortunée qui se traînait à ses pieds, mais il ne cessait de considérer avidement la redoutable clef.

Alors Madame d’Heurteleure comprit la convoitise dont souffrait son mari, l’âcre désir qui le rongeait, celui de voir mort son rival, de constater sa vengeance, de palper la pourriture que