Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cendre grise versée par la pipe, et je pensais à sa vie singulière d’alternatives et de conjonctures, de bals et de batailles, de duels et d’amours, pleine de sursauts et de saillies et dont il gardait, au fond de lui, à jamais, les rumeurs et les échos.

Telle fut ma première entrevue avec M. d’Amercœur. Les propos qu’il me tint sont bien ceux-là. Depuis on a reconstitué la trame de cette vie dont le célèbre marquis faisait mystère. La silhouette devint statue. Les quelques anecdotes rapportées ici tiennent à l’époque de sa jeunesse ; M. d’Amercœur en parlait volontiers et il se départit devant moi, peu à peu, de sa réserve. Ma prudence ne se hasarda jamais à inquiéter la sienne. Je l’écoutais sans l’interroger. Cette discrétion me valut sa confiance et il la poussa jusqu’à me laisser copier une longue lettre où il était question de lui et qui relatait un épisode de son adolescence qui lui plaisait et m’avait diverti. Le lecteur la trouvera parmi ces histoires. Sauf cet écrit, les autres souvenirs me viennent de nos causeries où je les entendis conter par l’illustre conteur. Je n’y prétends à rien de plus qu’à reproduire