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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/77

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A mon approche, le bloc de poil jaune bondit en arrière. J’entendis grincer ses dents et ses ongles racler le parquet. Une odeur de cuir et de corne se mêlait au doux parfum de la chambre. L’épée à la main, je me ruai sur le monstre ; il tournait en rond, culbutant les meubles, griffant les tentures, évitant ma poursuite avec une agilité incroyable ; je cherchai à l’acculer dans un angle. Enfin je l’atteignis au ventre ; du sang jaillit sur ma main. La brute s’effondra dans le coin obscur et tout à coup, en sursaut, me renversa d’une bousculade, enjamba la fenêtre ouverte et, dans un bruit de vitres brisées, sauta dans le jardin. Je m’approchai de Madame de Ferlinde : un sang tiède coulait de sa gorge déchirée. Je soulevai sa main qui retomba ; j’écoutai son cœur qui ne battait plus. Alors je me sentis saisi d’une épouvante panique : je m’enfuis. Le vestibule restait vide, la maison semblait mystérieusement abandonnée. Je repassai devant le suisse endormi. Il ronflait la bouche ouverte, inerte d’une léthargie qui me parut plus tard suspecte, de même que l’absence de tout domestique en cet hôtel isolé où Madame de Ferlinde paraissait pres-